Né sous de bonnes étoiles

Festival de Deauville, on reste pour la cession de questions-réponses avec la réalisatrice, encore émue de la longue ovation qui n'en finit plus, et nous-même papillonnant encore dans la si jolie fin qui nous a mis des étoiles dans les yeux (si les applaudissements s'arrêtaient brusquement, on serait seul à continuer avec un air heureux et déconnecté). Merci à Lin Manuel Miranda, en plus de nous avoir depuis longtemps émerveillé avec son répertoire musical passionné, d'avoir tapé du poing sur la table quand Hollywood ne voulait pas d'une histoire de latinos homos réalisée par une femme trans. Qu'à cela ne tienne, le Monsieur est devenu lui-même producteur de ce petit bijou d'émotions (né sous la bonne étoile d'Hamilton). Aristote et Dante découvrent les secrets de l'univers est un teen-movie qui joue dans la cour des (très) grands, est l'adaptation réussie d'un best-seller américain quasiment inconnu par chez nous (et c'est bien dommage), et l'occasion pour Aitch Alberto de signer un premier film d'une sincérité désarmante. On sent les neuf années de maturation pour arriver à ce film plein de poésie (avec des plans magnifiques, on pense notamment aux virées en plein désert où toutes les vérités éclatent violemment en pleine tempête, et où les réconciliations se font sous un ciel étoilé magique...), d'ouverture d'esprit (l'acceptation de l'autre, et de soi-même), d'amitié et surtout d'amours. L'amour compliqué d'un père à son fils qui ne communiquent pas, l'amour d'une mère qui ne comprend pas le mal-être de son garçon, l'amitié ambigüe entre deux jeunes hommes, les premiers flirts ratés... Tout pourrait verser dans le film pour ados, mais en déplaçant son sujet sur des thématiques plus grandes (la place des latinos, des homos, les non-dits intra-familiaux) et en prenant Max Pelayo et Reese Gonzales, deux acteurs qui n'en sont pas (d'un naturel qui crève l'écran), Aristote et Dante sort bien vite de la piètre qualité liée à son genre de teen-movie, pour s'adresser à toute la famille avec la même intensité. On reste ému de voir si beau sujet naître envers et contre les grands studios qui boudent l'audace, on reste admiratif de la bienveillance qu'Aitch Alberto arrive à insuffler à son écriture (on sent du vécu, dans ces outsiders qui ont besoin d'acceptation et de tolérance), et on ne peut qu'applaudir bruyamment (encore) toute la belle mise en scène au service de la narration. Ne ratez pas cette magnifique adaptation qui peut compter sur son producteur engagé, sur sa réalisatrice très sincère, sur son binôme d'acteurs adorables, sur des seconds rôles très à l'aise (oui, il y a Eva Longoria et Kevin Alejandro alias "Lieutenant Ducon" de Lucifer), sur sa BO très nostalgique... Bref, un petit bijou né sous de nombreuses bonnes étoiles, sous un Univers entier.