Dès le premier plan, on retrouve un plan de rue sur un grand cinéma, dans Paris. Soit Truffaut aime ce type d'image, soit, j'y ai pensé après, il fait un rappel à Les 400 coups, où l'on voyait pas mal de façades de cinéma quand les enfants faisaient l'école buissonière.
C'est probable, vu qu'il donne l'impression de vouloir relier de façon soulignée ce court à son précédent long-métrage. De manière forcée, le personnage de René évoque la fois où lui et Antoine fumaient dans sa chambre, au beau milieu d'une conversation sur les concerts. Aucun rapport. Mais peut-être que cette évocation de ce souvenir a été placée là pour éclaircir un détail des 400 coups : René dit qu'il pense que son père a vu les pieds d'Antoine caché derrière le lit, mais qu'il n'a rien dit quand même. C'est vrai que c'était pas clair, dans Les 400 coups...

"Colette", on s'attend à ce que ce soit éventuellement cette collègue que l'on voit à côté d'Antoine la première fois qu'on le voit à son travail. C'est d'ailleurs bien d'avoir pensé, tout simplement, de l'avoir placé près d'une femme. Mais juste après, Antoine dit que son seul ami est René.
Il ne rencontre Colette qu'après, dans une salle de concert.
J'aurais imaginé ce plan, où l'un et l'autre sont dans la salle, au milieu de la foule, comme hasardeux. Si j'avais eu à le concevoir, je n'aurais pas été sûr qu'il marche.
Dans le film de Truffaut, ça fonctionne étonnamment. On remarque Colette car elle tousse. On remarque Antoine car il est le seul à tourner la tête. Et même s'il y a un grand nombre de gens, on repère facilement les deux, c'est surprenant. Qu'Antoine soit le seul à tourner la tête, je ne sais pas si c'est logique, mais whatever.

La situation entre les deux personnages, qui commencent à se fréquenter, est suffisamment bien établie rien qu'avec la scène où Antoine appelle Colette qui a raté un de leurs rendez-vous, et qui explique qu'elle était en soirée avec des amis foufous. Les deux appartiennent à un monde différent, et Antoine ne fait pas partie du même cercle d'amis de Colette que celui avec lequel elle se défoule en soirée.
Ce qui m'a amusé et plu, c'est que Truffaut parle de jeunes qui s'amusent, se déchaînent même en soirée, mais ils demeurent de jeunes intellectuels français. Ils vont à des concerts, blaguent en citant Bazin, ... ahh, c'était une autre époque.
Je ne sais pas si c'est à cause de cela, probablement en partie, ou à cause de la difficulté à rendre de telles scènes, mais lorsqu'il faut représenter des personnages qui s'amusent, ou excités d'une autre façon, il y a une certaine maladresse. Dans tous les cas, que ce soit quand 3 ou 4 personnages rient à table ou s'étonnent en voyant Antoine avoir emménagé juste en face de chez eux, ça se traduit dans tous les cas par une cohue dans les paroles, un enchevêtrement de répliques étrange et assez peu naturel.
Je mettrais ça aussi sur le compte de l'époque à laquelle a été fait le film. Je ne sais pas comment on fait les mixages sons de nos jours pour mieux faire passer de tels procédés.
Il y a un moment assez étrange, lorsqu'Antoine fait ses valises chez lui, où l'on entend quelque chose comme une femme qui parle et sort de la douche. Proviendrait-ce d'à côté de chez Antoine ? Faut-il comprendre qu'en ce lieu, l'intimité est réduite de par des murs trop peu épais pour bien marquer la séparation avec les voisins de palier ?

Tout du long, me suis demandé si "Antoine et Colette" allait être une comédie romantique ou non. Je voyais dans les échecs d'Antoine le signe qu'à un moment, comme dans de nombreux films ou séries sur le même sujet, la femme allait lui sauter dessus soudainement pour l'embrasser. Ce genre de bêtises. Et qu'allais-je penser si c'était vraiment ce qui allait se passer, est-ce que j'en serais satisfait, content pour le héros ? Je me gaussais de le voir à un moment au 36ème dessous, mais risquais aussi de me réjouir de sa réussite soudaine.
Mais je me demandais si Truffaut ne pouvait pas faire partie de ces gens qui éviteraient cela, pour pondre un film se démarquant de cette tendance.
En tout cas, je le remercie pour le dénouement du film, qui est un réel soulagement. Ouaip, merci.

Et grâce à ce film, j'ai appris comment on fait des disques vinyles, et ce que signifie l'expression "douche écossaise", déjà entendue dans Les 400 coups.
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le 12 févr. 2012

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Wykydtron IV

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