Anti-Squat
5.9
Anti-Squat

Film de Nicolas Silhol (2023)

Exploiter la précarité : maman galère face au système

Critique sans spoiler

Vu en avant-première en n'ayant connaissance que de son titre, le nom du réal. et l'actrice principale, Louise-pas assez employée-Bourgoin, Anti-Squat est le deuxième film de Nicolas Silhol après le remarqué Corporate (que je n'ai jamais pris le temps de voir) qui, s'inspirant de l'affaire France Télécom, parlait du mal-être et du harcèlement moral au travail.

Pour son 2ème long-métrage il a choisi de revenir au Cinéma social en prenant pour sujet, la crise du logement et l'exploitation des personnes précaires par le biais d'une expérimentation introduite par la loi ELAN en 2018 (d'ailleurs on ne parlera plus d'"expérimentation", car la loi a été votée en juin 2023 -soit 3 mois avant la sortie du film- autant dire un sujet d'actualité au moment de la sortie). Celle-ci permettant de loger des personnes (appelées résidents) triées en amont à occuper des lieux vides pour un prix minime tout en devant entretenir ces endroits (bureau et hôtel ici) et n'ayant que très peu de droits (la tagline de l'affiche en est un aperçu), le tout pour empêcher ces lieux vides d'être possiblement squatté par des tiers. Tout cela est expliqué par un carton d'introduction et approfondi par un dialogue, dès les premières minutes.

Une fois la toile de fond posée, Anti-Squat peut démarrer. On va suivre le personnage de Inès (Louise Bourgoin donc), mère trentenaire d'un ado de 14 ans (Samy Belkessa, la révélation du film) qui galère professionnellement et par conséquent, aussi niveau du logement. Arrive l'offre de rêve pour elle, 2 mois d'essais comme resident-manager chez Anti-Squat où elle devra s'occuper d'anciens bureaux dans l'espoir d'un CDI donc d'un nouvel appartement pour elle et son fils, fils qu'elle doit du coup laisser seul chez eux. L'idée est de sélectionner les résidents pour ces logements temporaires puis de les surveiller, autant les personnes choisies (qui doivent remplir quelques conditions, comme avoir un job et être sans enfant) que les lieux eux-mêmes. Ce qui va intéresser ici le réalisateur et ce qu'il va dénoncer c'est la pratique de ce système et ses dérives. En plus de dresser un portrait de femme en lutte.

La lutte il ne s'agit que de ça dans Anti-Squat. D'abord pour Inès et son fils (elle ment pour avoir le job), face à des résidents peu enclin à se faire exploiter (ils en ont conscience) et puis face à des patrons/une entreprise vidés de toute forme d'humanité.


Proposant un film social à la lisière du thriller tout autant qu'œuvre morale, N.Silhol s'y perd un peu voir mélange tout à vouloir parler de tous et en se refusant à juste évoquer ce système dépeint, ses personnages lui tiennent à cœur et ça se ressent.

Jamais avec Anti-Squat il n'arrive à être impactant, la montée en tension de la narration se voit même ratée (fin laborieuse) et le flou moral un peu facile, peut-être même bâclé tant ça n'intervient que par bribe pas toujours convaincante. Néanmoins et ça vient sans doute de son actrice L.Bourgoin qui, jusqu'au bout tient admirablement cette note de fragilité derrière le masque de fermeté. Ça reste un film socialement saisissant.

Sans doute le réalisateur aurait dû choisir la voie du documentaire pour traiter pleinement de son sujet, mais c'est là toute la force de ce second long-métrage, arriver à en apprendre sur ce dispositif, rendre ces parcours humains captivant alors même que le scénario n'est que prétexte à éveiller le spectateur. Si les (télé)films à thèmes France Télévisions pullulent dans les salles chaque année pour le grand public (Quand tu seras grand de Andréa Bescond et Eric Métayer ou Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry en sont de beaux exemples pour 2023). Jamais ils ne brillent franchement par leurs qualités technique ou peu. Anti-Squat c'est plutôt le contraire, le film ayant l'ambition d'être aussi, à sa manière, un thriller, l'image suit. La photo de Pierre Maillis-Laval épousant à merveille la froideur générale des décors et de l'ambiance, de jour comme de nuit. Quant à la mise-en-scène de Nicolas Silhol c'est lui qui en parle le mieux, durant l'échange qui a suivi la projection il a parlé de rigueur et si on peut lui reprocher un excès de rigueur, force est de constater que rien ne dépasse.


Si Anti-Squat ne brille pas par ses qualités intrinsèques (la narration foireuse surtout) et a tout du fameux "film nécessaire", l'alliance d'un casting solide et d'un réalisateur impliqué par ce sujet fort fait que ça tient non-seulement la durée, mais en plus éclaire de manière saisissante sur ce dont il traite. Des films sociaux intéressant et d'une aussi belle facture, ça reste assez rare pour ne pas avoir à bouder son "plaisir".

TJ-McFly
6
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le 31 août 2023

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TJ-McFly

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