SPOILER ALERT : CETTE CRITIQUE DEVOILE L’INTRIGUE DU FILM


La marche du Temps est implacable. Ses pas martèlent le thème militaire de Nate Wonder et Roman Gian Arthur, à mesure que la scène d’ouverture dévoile une réalité aux contrastes terribles. Une douce horreur. Qu’on se le dise d’entrée : je ne partage pas du tout les critiques négatives qui essaiment sur la toile à propos d’« ANTEBELLUM » . A mon sens, ceux qui s’arrêtent sur les quelques défauts du film, sont passés à côté de sa profondeur. Après « GET OUT » et « US » (1), ils devraient pourtant le savoir : l’essentiel est tapi dans le Noir.


« ANTEBELLUM » est d’abord une expérience : celle de la Réalité. Pour la première fois, un film projette l’esclavage, ce fantôme lointain, dans le monde actuel. Si le twist marquant la fin du premier tiers de l’œuvre saisit le spectateur et le laisse plein d’interrogations quant au lien entre les deux époques, l’enlèvement de Veronica et le retour dans l’enfer d’Eden, achèvent de bousculer tous ses repères. L’esclavage cesse d’être un monstre historique pour venir jusqu’à nous dans toute son horreur. En créant un lien empathique atemporel, cette actualisation met un coup de projecteur inédit sur des millions d’ombres. Les luttes, les révoltes, la destruction psychologique, résonnent différemment dans notre présent. L’écho, devient un cri.


Derrière cette première interprétation « réaliste », se cache un symbolisme qui n’aura pas échappé à certains : celui de la résurgence du passé traumatique. C’est peut-être parce qu’ils sous-estiment le poids de ce passé traumatique, dans le film comme dans la vie, que beaucoup de spectateurs n’ont pas accroché. A l’instar de « US », « ANTEBELLUM » se présente à nous comme une seule et même métaphore. Il nous invite à explorer la psychologie d’un individu, et par extension, de tout un peuple. Rien de ce qui nous est montré n’est réel. Du moins, tout ce qui se passe à l’intérieur du Parc de reconstitution de la Guerre de Sécession, ne pourrait être qu’un rêve, qu’il nous appartient maintenant d’interpréter.


Veronica est une figure majeure des mouvements politiques et citoyens Noirs aux U.S.A . Pourtant, sans le savoir, elle porte dans sa chair une Histoire qui ne cesse de marquer le présent. Elle semble souffrir de cauchemars récurrents et son dos lui fait mal à l’endroit où ses ancêtres furent marqués au fer rouge. L’irruption de l’étrange, voire du fantastique dans sa vie (dialogues surréalistes, apparitions…) renforce cette idée de la métaphore. Dans cette interprétation, son enlèvement symbolise le traumatisme latent qui finit par la rattraper.


Pour sortir de ce spectacle macabre qui se joue et se répète à l’infini, elle devra affronter ses démons. On comprend alors la caricature des Blancs esclavagistes et leurs comportements psychopathiques(2). La brutalité du combat d’une héroïne transfigurée par l’instinct de survie, est d’abord dirigée contre elle-même. La libération ne viendra qu’en se faisant violence, en « mettant fin aux compromis ». Ce n’est qu’à ce prix qu’elle pourra s’échapper de ce passé figé, symbolisé par la statue de Robert Edward Lee. Remettant l’Histoire en marche, Eden, bien aidée par une Janelle Monae à couper le souffle, dépasse les champs de coton et les champs de bataille, dans une scène finale époustouflante, où son prénom prend tout son sens : Veronica, « Porteuse de victoire »(3). C’est en somme, le chemin spirituel qui permettra aux Afro-américains, et à tout le pays, de trouver la Paix.


Comprenez : Bush et Renz ne nous offrent pas là un film, mais une réflexion, peut-être même un reflet. Au final, comme souvent avec ce genre de propositions artistiques, chacun interprètera le rêve à sa façon. Pour ma part, voici mon avis : si vous n’avez pas aimé ANTEBELLUM, c’est que vous y êtes allés en touristes.


Ou que vous n’en n’êtes pas encore sorti.


(1)Comme « ANTEBELLUM » ces deux films ont pour producteur Sean McKittrick
(2)Le thème de la pathologie mentale est donc décliné à la fois sous l’angle du traumatisme engendré chez les victimes, et de la folie, au sens premier du terme, des bourreaux
(3) Preuve que rien n’est laissé au hasard : l’image de l’avion, qui revient à plusieurs reprises (au-dessus des champs de coton ; sur le dessin de la fille de Veronica ; dans la bouche de Veronica « J’ai un avion à prendre »)

TheGhostwriter
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le 25 sept. 2020

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