Comment ne pas être complètement emballé par un tel pitch qui nous demande de considérer William Shakespeare comme un vulgaire imposteur ? En effet, Anonymous repose sur un débat où l'authenticité de l'œuvre de Shakespeare est remise en cause. Car beaucoup se demandent comment un fils de commerçants illettré a pu pondre des œuvres aussi puissantes que Henry V, Romeo et Juliette et parmi ceux-là, on peut compter les illustres Sigmund Freud, Orson Welles, Charles Chaplin et Mark Twain. Hypothèse plus probable quand on connait la teneur de ces histoires.

Roland Emmerich signe un film inattendu de sa part pour cet homme qui a dédié la presque totalité de son œuvre à des films spectaculaires en commençant avec les culte Universal Soldier et Stargate, la porte des étoiles. Mais c'était un projet qui lui tenait à cœur car le réalisateur s'était emparé du projet en 2000, il lui fallut plus de huit ans pour trouver le financement. On l'attendait donc de pied ferme pour le descendre parce que bon, je vais vous l'avouer, je n'ai aimé ni Le Jour d'après, ni 10 000 et encore moins 2012, ses trois derniers films.

Mais là, il faut avouer qu'il m'a soufflé avec cette histoire poignante qui repose sur l'hypothèse que c'est le comte d'Oxford, Édouard de Vere qui a écrit l'œuvre imputé à Shakespeare. Ce comte est joué par l'anglais Rhys Ifans, absolument époustouflant. Il est loin le temps où on le découvrait comme colocataire avec un sens du ridicule inexistant dans Coup de foudre à Notting Hill.

On n'oubliera pas non plus le rôle de la reine Elizabeth qui marque par son sens illustre de la royauté, en témoigne cette folie sénile qui l'atteint durant les dernières années de sa vie. Pour l'anecdote, Elizabeth jeune est jouée par Joely Richardson et Elizabeth vieille, par sa propre mère, Vanessa Redgrave.

Le dernier rôle marquant est à imputer à Edward Hogg qui campe le fils Cecil. Un homme difforme, facilement identifiable par sa bosse. Un personnage tragique qui resplendit lors d'une confrontation finale face à Edouard de Vere où est illustré un des twists les plus géniaux de ces dernières années. Une scène marquante grâce au twist mais aussi à la prestation d'Edward Hogg littéralement habité l'espace d'une scène.

Par contre, on regrettera un William Shakespeare absolument tête à claque et salaud comme pas possible. Faut-il y voir une vérité histoire retranscrite ou un moyen scénaristique d'assimiler plus facilement que cet homme est un imposteur ?

Le budget est amplement justifié grâce à une reconstitution historique très réussie dont les effets spéciaux sont presque camouflées (Roland Emmerich a de l'expérience à revendre) excepté sur une scène à bord d'un canot et dont les costumes (plus de 300) sont magnifiques et force encore plus le respect pour les acteurs pour avoir réussi à jouer avec ces accoutrements d'époques ridicules.

La réplique grandeur nature du théâtre de Rose est très réussie et nous permet de superbes scènes du théâtre tel qu'il était vécu à l'époque où le public participait parfois à la pièce. Une façon de vivre les histoires bannie de nos jours où les bonnes manières comptent davantage. Aussi il permet de revivre une compilation des moments les plus cultes de l'œuvre de Shakespeare comme si on était dans la peau d'un homme/femme du 16ème siècle. Et ce n'est pas le seul élément historique qui sera bien retransmis. Ah oui, je me suis bien marré à regarder les pièces de théâtre en ne bitant quasiment rien (la faute à des scènes pêchées hors contexte et ne connaissant pas bien les œuvres de Shakespeare, j'ai un peu galéré mais ça ne pose aucun problème pour le suivi de l'histoire).

Toutefois, le film n'est pas totalement exempt de défauts. En outre d'un Shakespeare ridicule, le film souffre de quelques temps morts dû à sa longue durée (2h18). Aussi au début, on est perdu face aux différents noms des protagonistes du film. Peut-être aurait-il mieux valu prendre un peu plus de temps pour les présenter pour éviter de nous paumer entre les différents noms (mais ne vous inquiétez, au bout d'une demi-heure, on a situé tout ce beau monde). Parfois le film patine et dévoile des intrigues peu intéressantes. Par exemple, celle du dramaturge Jonson toutefois on aurait raté un beau final avec des répliques marquantes. Je pense personnellement que le film aurait gagné en efficacité s'il s'était davantage concentré sur le comte d'Oxford, délaissé un peu William Shakespeare très anecdotique dans le film et réduit le rôle de Jonson.

L'autre problème concerne la véracité des propos relatés car ce qui nous intéresse avant tout, c'est le sujet du film : William Shakespeare a-t-il écrit ces œuvres ? Or il est clair qu'Anonymous use de ficelles scénaristiques censés captiver l'attention du spectateur et donner un rythme à l'histoire mais où s'arrête l'hypothèse historique et où commence l'histoire hollywoodienne ? Anonymous ne nous le dis pas et c'est dommage. En tout cas, on sort du film avec une furieuse envie de supprimer William Shakespeare de tous les livres et content d'avoir vécu une histoire captivante malgré quelques défauts.

J'ai failli oublier mais j'ai envie d'applaudir Emmerich pour son excellent travail sur son nouveau long-métrage (encore plus marquant vu que je ne m'y attendais pas) mais aussi pour son excellente scène d'introduction qui m'a soufflé par sa mise en scène et la prestation de Derek Jacobi.


Conclusion :

Anonymous est une fascinante histoire dotée d'un twist réussi et techniquement impressionnant. Malheureusement difficile de savoir où s'arrête l'Histoire et où commence le délire hollywoodien.
Marvelll
7
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le 6 janv. 2012

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Marvelll

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