Hollywood se retrouve souvent sous le feu des critiques et du white bashing lorsqu’il s’agit de réadapter des oeuvres de pays étrangers avec plus ou moins de réussite, et cela ne date pas d’hier quant on sait qu’ils avaient déjà fait le coup dans les années 60 avec Les Septs Mercenaires faisant écho aux Septs Samuraïs de Kurosawa. Mais ce qu’on oublie d’évoquer, c’est que les producteurs sont parfois parvenu à embaucher les meilleurs talents et les réalisateurs les plus plébiscités sans pour autant se porter garant du résultat escompté dans leur transposition américaine (Le Cercle The Ring 2 de Hideo Nakata, Les Visiteurs en Amérique de Jean-Marie Poiré). Le but étant moins de les réinventer que de reproduire un succès financier à l’échelle mondiale. Adulé en Europe où il a déjà remporté plusieurs prix et distinction pour ses précédents chefs d’oeuvre, Takeshi Kitano se lance à la conquête de l’Amérique dans ce qui constitue un véritable choc des cultures. Et conformément à la stratégie incisive et kamikaze de Pearl Harbor qu’aborde son personnage, Beat Takeshi ne compte en aucun cas se plier aux velléités d’une société de production. De la même façon, lorsque son chef de son clan sera assassiné. Yamamoto refusera de se soumettre à ses fossoyeurs et préférera s’exiler dans la cité des anges introduite ici comme un simple succédané tokyoïte dans laquelle il va pouvoir reprendre ses activités de criminelles. L’Amérique ne sait-elle pas bâti sur l’immigration ?
À peine débarqué aux Etats-Unis, le japonais se retrouve confronté à la barrière culturelle d’une ville qu’il arpente comme un indien en costard dans un ghetto malfamé, stéréotype du criminel asiatique classieux et bien habillé, impassible aux provocations mais non moins dangereux lorsqu’il sera invectivé par Denny, un Afro-Américain avec lequel il deviendra ami malgré la brutalité de leur première entremise à coup de tesson de bouteille dans la tronche. Après avoir retrouvé son frère Ken engoncé dans le trafic de drogues, "Aniki" va reprendre les rênes du gang composé d’un melting pot de porte-flingue qu’il va soumettre aux coutumes traditionnelles et code d’honneur des yakuza pour ériger sa propre organisation. Le comique de situation né ici de la confrontation de ces différentes ethnies et de l’incompréhension occasionné par les échanges dialogués, entre Yamamoto qui ne parle pas un mot d’anglais et ses subordonnés qui pine que dalle à son déballage si ce n’est quant il se met à tirer avec son arme pour se faire comprendre.
Le seul langage universel reste celui de la violence, celle des doigts tranchés et des hara-kiri en cas d’échec infamant. Kitano emploi ici une recette éprouvé et un ton burlesque dans les situations inhérentes à l’intégration de son cast nippon qu’il confronte à un univers in ha hood totalement opposé à leurs us et coutumes. Les costumes cravates contrastent avec les bandanas-sneakers et la culture gangsta-rap des autochtones locaux. La montée en puissance du clan Yamamoto est évidemment ponctuée par des parenthèses récréatives notamment lorsque Kato (Susumu Terajima) fidèle acolyte du cinéaste tente de se mesurer à ses rivaux sur le parquet, et à jouer des coudes sans parvenir à marquer le moindre panier, la faute à une méconnaissance du règlement et à une constitution bien plus légère que celles de ses imposants frères d’armes. Prêt à tout pour son maître, Kato ira jusqu’à se tirer une balle dans la tête pour lui dans le but d’unifier son groupe à celui de Shirase, quand le dévouement et le sacrifice de soit fait don de corps et d'esprit.
Le calme précède la tempête et la mort survient quant on s’y attend le moins. La nouvelle alliance de Aniki visant à faire prospérer les minorités se heurte au mécontentement de la mafia Italienne qui leur déclare la guerre entraînant la chute de l’ensemble du clan dans une guerre de pouvoir et de territoire sanglant. La fragile utopie se délite rapidement sous les coups de butoir de la Camorrah entraînant son réalisateur interprète à une ultime embardé aux accents Fordien. Un duel de western sous le soleil levant d’un désert californien où une symphonie d’uzi viendra transpercer la devanture d’un magasin devant lequel se dresse le dernier représentant d’un ordre voué à être broyé sur l’autel de l’intégration par la majorité. Le convoi repart semer la mort, L’Amérique reprend son ordre de marche et de fonctionnement.