C'est qu'il en a fait un sacré bout de chemin, ce bon vieux Mark Renton.
De trublion du cinéma indépendant mondial à incarnation vivante du culte pour des générations de cinéphiles (coucou Star Wars), capable de porter aussi bien de petits projets singuliers que de gros blockbusters rien que sur son propre nom, l'insaisissable Ewan McGregor se lance aujourd'hui dans une aventure aussi ambitieuse que franchement casse-gueule : un premier passage derrière la caméra.
En plus de s'imposer une difficulté supplémentaire en incarnant le rôle-titre de sa réalisation, le bonhomme s'échine à vouloir adapter ni plus ni moins que l'un des monuments de la littérature ricaine moderne, American Pastoral de Philip Roth (Prix Pulitzer en 1997), adaptation qui traine dans les couloirs d'Hollywood depuis plus d'une décennie maintenant.
Ambitieux donc, et casse-gueule surtout.


Jamais écrasé par la puissance et la richesse de son (très) respecté matériau d'origine - dont l'ombre lane tout du long au dessus de sa pellicule -, McGregor signe une fresque familiale poignante et intime, faisant des Levov le symbole/reflet vivant du choc générationnel et idéologique auquel fut confrontée l'Amérique au milieu des sixties; une génération vivant dans l'idéalisme (trop beau) du rêve Américain, face à celle aux yeux grands ouverts et profondément réactionnaire, vissée dans un quotidien cauchemardesque qu'elle veut bousculer coute que coute.
En prenant pour terreau fertile les mouvements révolutionnaires ayant agité le pays de l'Oncle Sam - une période charnière de son histoire moderne -, en pleine protestation aussi bien contre la Guerre du Vietnam que contre le traitement de la population noire américaine, le film inscrit sa petite histoire dans la grande en suivant la relation douloureuse entre un père (ancien jeune premier férocement traditionnel et incarnant la réussite prônée par l'American Dream) et sa fille (jeune révolutionnaire qui ne se reconnaît pas dans ce monde faussement idéaliste, et qui en veut à ses parents de rester passifs face aux événements qui bousculent leur pays), et la tragédie qui découle de cet amour aussi protecteur qu'inconditionnel.


Universel et bouleversant dans la vérité humaine qui en émane, le métrage est porté par une mise en scène soignée mais sans fulgurance, tant McGregor préfère se focaliser itéllgiement sur l'intimité de ses personnages, tous finement croqués et interprétés (McGregor et Dakota Fanning en tête, le premier est parfait en père à fleur de peau, tandis que la seconde, dans son meilleur rôle à ce jour, éblouit en adolescente pleine de rage), qu'il filme avec empathie et justesse.
D'une infinie richesse, modeste et humain à la fois, jamais moralisateur et encore moins inquisiteur (le métrage ne juge ni l'éducation des parents, ni l'acte terroriste de leur progéniture), American Pastoral est une peinture brillante et dévastratrice sur une Amérique divisée et en pleine mutation, et dont le propos bouillant n'a jamais paru autant d'actualité qu'aujourd'hui.
Pour un premier essai, on est très proche d'un coup de maitre...


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2016/12/critique-american-pastoral.html

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le 10 mars 2017

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