De la difficulté de se relever du nazisme et de la guerre

Tourné à Berlin à l'été 1947, plus de deux ans après la fin de la guerre, ce film a incontestablement une dimension documentaire de par sa description du champ de ruines qu'est encore la ville. Les difficultés sociales des habitants et les rudes conditions de vie sont aussi très bien rapportées. Rosselini annonce d'ailleurs d'emblée qu'il s'agit pour lui d'être « objectif et fidèle à cette ville immense à demi détruite ».

C'est une histoire glauque, où plusieurs personnages parlent de suicide, certains par rapport à leur passé, d'autres du fait de leur situation présente. L'histoire d'un enfant de treize ans qui va basculer, qui sombre dans une détermination froide qui ne peut être celle d'un enfant.

Un enfant dépassé par le passé et submergé par un présent oppressant, un enfant influencé qui ne peut se détacher des idées anciennes qui lui ont été inculquées durant le nazisme et qui perdurent ça et là dans la société, comme celle de la nécessité d'éliminer les individus faibles et inutiles.

Un enfant qui n'en est plus un, frappé par la solitude et le poids de son destin, lui qui n'a vécu que sous le nazisme, lui qui est en quelque sorte un enfant d'Hitler, lui qui fait peur avec sa détermination et les actes qu'il est capable de commettre

Un enfant obligé de travailler ou d'inventer toutes sortes de combines pour apporter un peu de nourriture ou d'argent à sa famille qui en a bien besoin.

Voilà donc une Allemagne traumatisée par le nazisme et la guerre, où on a encore peur des règlements de compte, et où les mentalités sont encore fortement marquées par les idées véhiculées par Hitler.

Rossellini pose ainsi la question de la culpabilité des Allemands : il décrit comment ils essaient de réparer les choses, mais cette question reste toutefois traitée de façon à mon avis trop superficielle. On voit un peu comment les Allemands ont vécu le nazisme, certains en le soutenant, beaucoup en le subissant de façon résignée, en obéissant malgré les réticences, sans tenter réellement de s'y opposer. En tout cas, comme il l'annonçait d'entrée de jeu, ce n'est ni une accusation portée au peuple allemand ni une défense mais simplement d'une description de leurs sentiments, lié à un passé qu'on ne peut modifier.

Rosselini met aussi l'accent sur les difficultés sociales des habitants de la ville en 1947 : Edmund, le jeune enfant personnage principal du film, vole une peu de charbon tombé d'un camion, il essaie travailler pour gagner de l'argent ; il y a un sévère rationnement sur le plan alimentaire, beaucoup de chômage et de misère, on cherche à économiser au maximum l'électricité, le gaz ou l'eau, on vend certains de ses objets, et même l'enterrement est hors de prix : on se pose la question du cercueil et on peut privilégier un simple sac, par souci d'économie et on essaie de voir si on peut récupérer les affaires du défunt pour les vendre, tout petit gain est bon à prendre. On voit aussi le problème du logement (ils sont entassés dans les immeubles), et on sent que les filles peuvent être tentées par la prostitution pour gagner des sous.

Ce qui est dommage, c'est qu'il y a pas mal de longueurs dans le film : certes, c'est l'objectif de Rossellini que d'apporter une vision objective des choses, mais c'est quand même longuet, ces scènes où Edmund marche de façon interminable dans des rues désertes ou traverses des bâtiments en ruines.

Au final on a là un tableau assez objectif de la situation sociale de Berlin et de ses habitants au sortir de la guerre, on peut donc trouver à sa vision un réel intérêt documentaire. En revanche, il ne faut pas voir ce film en espérant y trouver une intrigue très développée voire beaucoup d'action...
socrate
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le 13 juil. 2011

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