Présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2014, Alléluia s'inspire librement de l'affaire des Tueurs de la lune de miel, déjà portée plusieurs fois à l'écran et dont l'adaptation la plus mémorable reste celle de Leonard Kastle. Cette coproduction franco-belge permet également à son auteur Fabrice du Welz de revenir à un budget modeste, après son expérience catastrophique sur Colt 45.


Film le plus abouti de son metteur en scène, Alleluia est une véritable profession de foi, prônant un cinéma organique et sensoriel, dont la force réside avant toute chose dans son ambiance et dans la puissance des images étalées sur l'écran. L'histoire, basique, sert principalement à faire ressentir au spectateur la détresse, la folie, la passion qui animent ses personnages, et ainsi le bousculer dans ses certitudes et le pousser dans ses derniers retranchements.


Avec très peu de moyens, Fabrice du Welz signe une oeuvre d'une beauté picturale indéniable, alternant sans cesse entre un cadre froid et blafard, et des couleurs plus chaudes et esthétisantes, bénéficiant du talent de Manuel Dacosse à la photographie. La bande son, supervisée par Vincent Cahay, joue également un rôle primordial dans la réussite d'un film jouant plus d'une fois avec les ruptures de ton, passant en une fraction de seconde d'un moment de pure poésie à une violence clinique et abjecte.


Folle histoire d'amour déviante qui finira forcément dans le sang, Alleluia traduit à merveille ce tourbillon émotionnel qui nous étreint lorsque l'on se donne corps et âme à l'être aimé, bien aidé en cela par un duo de comédiens absolument prodigieux. Déjà dirigé par le cinéaste dans l'excellent Calvaire, Laurent Lucas est tout simplement tétanisant en prédateur calculateur et séduisant. Mais c'est surtout Lola Duañes, vue notamment chez Pedro Almodovar, qui impressionne. Tout à tour femme délaissée, bafouée, amoureuse, jalouse, possessive, meurtrière, la comédienne marque durablement les esprits par sa composition habitée et en tous points sensationnelle.


Honteusement sacrifié lors de son exploitation en salles, Alleluia est un poème sublime et violent, inconfortable, éprouvant, aussi jusqu'auboutiste qu'il peut-être drôle, chevauchée sauvage de deux paumés qui se trouveront dans l'amour et le sang. Le genre de cinéma que je défendrai jusqu'au bout.

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le 10 mai 2015

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Gand-Alf

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