ULM de la comédie romantique

Le dernier film avec James Gandolfini aura été une comédie romantique, un petit film, avec un petit budget, qui raconte une petite histoire, mignonne comme tout, avec des personnages mignons, dans un décor mignon, pour un film… mignon.

Et rien d’autre. Voilà ce qu’est Enough Said, ou All about Albert, le titre français anglicisé de ce film en anglais. La rencontre de quarantenaires divorcés en prise avec leur passé, leurs erreurs, la fortune, les peurs, et tout le blabla de la vie qu’on traîne derrière soi, tantôt comme une fierté avec laquelle on s’est construit et qu’on revendique, tantôt comme un boulet dont on se débarrasserait bien définitivement sans daigner reconnaître sa part de faute.

Et au milieu, il y a le hasard scripté d’une rencontre fortuite au début d’une comédie romantique.

L’avantage de l’évolution des moeurs, l’acceptation des divorces et des familles recomposées, c’est qu’elles permettent de nouvelles ficèles pour ce genre de films, de créer des histoires plus originales que la blondasse rebelle et le beau brun ténébreux. Enough Said est à cette image : des personnages un peu différents, un peu plus honnêtes, plus subtils.

James Gandolfini incarne d’ailleurs un bonhomme très attachant et tout en finesse, malgré ses problèmes de poids. Et Julia Louis-Dreyfus une petite femme crédible et énergique. Leur relation naissante se développe sous les yeux d’un spectateur ravi de cet esprit, de la timidité charmante qui habite ces gens qui ont un peu peur d’avancer, de se dévoiler. L’atmosphère est empreinte de positivité. Il n’y a pas d’imbéciles, juste des gens qui font des bêtises, il n’y a pas de méchant, juste des incompatibilités. Et il y a beaucoup d’humour.

Le seul défaut du film tient à sa structure. Dans les comédies romantiques, au contraire de la vraie vie, les héros sont pétris de spontanéité. Ils confessent leurs sentiments et se battent pour faire éclater la vérité, au détriment de leur ego. Et l’intrigue, qui se noue autour d’une coïncidence originale et drôle, finit par coincer là où les choses auraient du se dénouer naturellement.

Le balisage du genre contraint de torturer des personnages qui n’en ont pas besoin, brouille les pistes qu’un scénario au poil a jusque-là soigneusement élaborées, pour aboutir à un final des plus classiques.

Cette fin un peu ratée n’enlève pas tout à la poésie charmante de ces classes moyennes (et supérieures, mais pour une fois qu’on n’évolue pas exclusivement dans une ambiance bourgeoise) en pleine renaissance, en pleine découverte de la vie et ses surprises dans une société qui ne glorifie plus que la jeunesse et le culte de l’apparence, à cet onirisme qui saupoudre délicatement la dernière apparition d’un monstre du cinéma, une apparition belle et simple, pour un film qui a failli être exceptionnel.