« Ma maman m'a toujours dit que les monstres n'existaient pas... Les vrais monstres. Mais... Il y en a. »


Je ne me souvenais pas que Alien : La Résurrection s'ouvrait sur ces quelques mots, résonnant, comme un écho qui ricoche dans ma mémoire, à un bref échange entre Ripley et Newt, sa fille de coeur. Ce ne sera pas la seule référence à Aliens : Le Retour, d'autant plus frappant quand un « Tue moi » supplié se fait entendre de la bouche d'une des soeurs difformes d'Ellen.


D'autant plus étrange que Jean-Pierre Jeunet considère pourtant Aliens : Le Retour comme une simple bourrinerie hollywoodienne calibrée de plus. Coquin va. Et alors même que de son propre aveu, les exécutifs de la Fox lui ont foutu une paix royale sur le tournage et n'ont pas bridé ses ambitions.


D'autant plus étrange que finalement, Jean-Pierre prolonge le coeur du film exploré par Big Jim : celui de la maternité de Ripley, qu'elle vivra par procuration via Numéro 8. Une Ripley devenue totalement étrangère, modifiée, presque contre-nature. Un personnage qui pourrait être considéré comme dévoyé par les plus amoureux.


Ce ne sera pas le seul changement drastique d'univers imposé par le film : un synthétique féminin se battant contre l'engeance, une drôle d'atmosphère, étrange et parfois maladroite, des touches d'humour pas toujours heureuses, Alien : La Résurrection tranche manifestement avec ses grands frères, revendiquant haut et fort l'identité de son metteur en scène et la manière dont il envisage l'univers dont on lui a laissé les commandes.


Ce quatrième épisode est dès lors moins un film de la franchise Alien qu'un film de Jean-Pierre Jeunet avec des aliens dedans. L'objectif de la fameuse saga est respecté : celui de donner la bête à un réalisateur différent pour la tordre. Mais on ne peut s'empêcher de penser que l'état d'esprit de l'oeuvre est (parfois un peu trop) à part : peuplé de rôles pas super sympathiques, de scientifiques déglingos en surjeu constant, de poursuites dans des coursives aux tons fauves et ambrés, le tout sous les yeux d'une icone remplie de la manière la plus étrange qui soit.


Pour heureusement introduire du neuf dans la saga, mais en bousculant au passage un cycle de développement bien établi. En court-circuitant via des divagations génétiques la reproduction classique du monstre, Jeunet donne naissance à une nouvelle entité aux allures fragiles, comme un papillon. Un organisme en forme d'homoncule tragique, capable de susciter autant l'émotion et l'empathie que l'effroi.


Ce nouveau né transgenre ne pouvait que transcender la thématique de la maternité d'Ellen Ripley, en le remplissant d'une forme de complexe d'Oedipe aux allures fascinantes.


Le film est capable, en outre, de proposer à sa manière nombre de morceaux de bravoure, comme cette visite d'un véritable musée des horreurs et d'expérimentations ratées, fruit de délires scientifiques débridés. Ou encore cette scène sous-marine emmenant l'action sur un terrain jusqu'ici inexploré par la franchise... Et l'occasion d'admirer, avec surprise, un des premiers travaux d'envergure du studio Blue Sky, responsable des premiers aliens en images de synthèse visibles dans la série.


Décalé, nourri d'un bric-à-brac assez foutraque amené par un réalisateur frenchy et sa garde artistique rapprochée, Alien : La Résurrection a le mérite d'une certaine réinvention, ou, à tout le moins, de s'embarquer sans réfléchir loin des sentiers battus. Eclairé par un Darius Khondji en état de grâce, habité par une Sigourney Weaver prenant un plaisir évident à revisiter son personnage fétiche, la plus grosse erreur de Jean-Pierre est de s'amuser un peu trop du mythe, au point de trahir certains fondements de la plume de Dan O'Bannon.


Pour mieux vider la peur viscérale et le sentiment de claustrophobie de son opus, au profit d'une dose d'humour parfois pataud. Voilà bien le travers le plus évident d'un film considéré par certains comme le mal aimé de la tétralogie originale.


Behind_the_mask, Auriga-mi.

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le 29 sept. 2019

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Behind_the_Mask

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