Mais dans quoi je m'embarque !!!

Un directeur de cabaret (Adam Stein/Jeff Goldblum), hommes aux multiples talents, juif allemand, est déporté avec son épouse et ses deux filles, dans un camp où l'officier dirigeant est un homme qu'il a humilié lors d'une de ses représentations berlinoises. Cet officier (Willem Dafoe) exige alors de lui qu'il devienne son chien de compagnie, au sens propre du terme : à 4 pattes et qu'il fasse son métier de clown et le divertisse.

Sa fille aînée est séparée de sa famille, sans qu'on connaisse sont sort (on le devinera plus tard) et je ne vais pas spoiler le reste

Parallèlement, on suit aussi cet homme, après la guerre, où il est enfermé dans un institut israélite pour rescapés des camps. On assiste alors à de nombreuses scènes, plus étonnantes les unes que les autres, filmées de façon formellement très abouties.

La narration n'est pas linéaire et Paul Schrader, nous en fait un découpage remarquablement réussi (à défaut de limpide), alors que tout ce qui compose le film : les personnages, les faits, les circonstances, est loin d'être simple et immédiatement clair pour le spectateur.

L’histoire est complexe, car elle entremêle deux tranches de vie qui se passent dans le passé : une pendant la guerre et une après la guerre, à l’institut, tout en plongeant dans les méandres psychologiques de l’esprit et de l’âme torturés d’Adam.

Quand je parle de plongeon, ce n’est pas une métaphore, c’est un réel plongeon : en images et en sensation.

La scène qui illustre l’état psychologique d’Adam, à l’extérieur de l’institut, constitue, à mon humble avis, la pierre angulaire du film et se révèle d’une beauté surréaliste.

Film complexe, donc, mais tellement maîtrisé par Paul Schrader qu’il arrive à nous embarquer dans sa série de scènes débridées, aussi folles que ses personnages, aussi folles que les évènements mais parvient quand même à être lisible, même si ce n’est pas immédiat.

C’est une œuvre envoûtante.

Le second adjectif qui me vient à l'esprit, c'est que c'est un film froid. Il faut attendre la fin

pour respirer enfin et se réchauffer l'esprit et le cœur momentanément.

Évidemment, le sujet de l'histoire est horrible (les camps de concentration, ses expériences sur l'Homme) mais les thèmes abordés sont ailleurs : la survie, le poids de ses propres fautes, la moralité, la folie, Dieu, le deuil, la reconstruction de soi, la rédemption et la culpabilité des survivants.

Il y a beaucoup de personnages et Schrader arrive à les développer tous quelque peu ou à nous donner les indices suffisants pour les appréhender sans que son film ne dure 3 heures. Encore une raison de l'applaudir.

Jeff Goldblum est magistral et impressionnant, je ne pensais pas pouvoir l'aimer encore plus qu'avant ce film mais si..

Willem Dafoe est égal à lui-même dans ce genre de rôle ambigu, excellent donc, et, vraiment tous les acteurs sont impeccables (notamment les pensionnaires de l'institut).

C'est un film ambitieux, intriguant, dérangeant que je n’osais pas regarder depuis longtemps.

Je ne dis pas que j'ai tout apprécié, tout de suite au premier visionnage (il y a des scènes très délirantes), mais c'est définitivement une œuvre remarquable. (Elle me hante toujours 6 mois plus tard.)

Un film difficile mais brillant, tant sur les propos que sur la forme mais qui ne plaira pas à tout le monde.

MAJ le 22 Octobre 2023