Pour son premier long-métrage, Maryam Touzani porte à l'écran un regard à la fois dur et lumineux sur une problématique enracinée dans la société marocaine : les grossesses hors mariages (et surtout, leurs conséquences).


Quelque part dans ce qui apparaît être la médina de la capitale économique marocaine, Samia, jeune femme enceinte qui arrive bientôt à terme, ère dans les rues de Casa. Elle cherche inlassablement un travail, marchant de porte à porte sous le regard suspect, méfiant, des habitants qu'elle rencontre. C'est finalement Abla, quadragénaire au regard froid et circonspect qui acceptera la jeune femme sous son toit, au moins pour une nuit.


La réalisatrice pose le cadre doucement, filmant avec délicatesse et une précision remarquables les gestes, les regards, les silences (renforcés par un cadrage souvent très serré), parfois avec une telle intensité et maîtrise qu'on a l'impression de pouvoir lire dans l'esprit des protagonistes.


Abla exerce un métier assez banal, celui de boulangère, qu'elle exerce d'ailleurs à domicile, comme pour nous plonger un peu plus dans son intimité, son quotidien, ce qui nous capte directement. Tout dans ce film est une d'une simplicité totale. Le huit clos ne permet pas beaucoup d'extravagance dans la mise en scène et c'est ce qui fait sa force car c'est ce qui pousse la réalisatrice à filmer avec intensité le peu de décor qu'elle possède : le pain, les pâtisseries, les corps.


L'objectif de Samia est simple mais terrible : travailler jusqu'à son accouchement puis remettre l'enfant à naître à l'adoption. Ce dernier est le fruit d'une liaison hors-mariage, il est donc le fruit du péché, le garder signifierai lui offrir une vie de misère, une vie marginalisée, et cela, Samia ne peut s'y résoudre... Cet enfant n'a rien demandé, après tout.


C'est avec une tendresse infinie que Touzani va mettre à l'image ce sujet tabou, touchy. Elle n'utilisera pas de gros sabots, mais le fera avec une délicatesse folle. Un drame social puissant abordé avec un point de vue très subtil, très esthétique (les images, lumières, plans, sont follement beaux).


Adam, c'est un film profondément humain, sincère, lumineux (je ne le dirais jamais assez !!!!), porté par un duo d'actrices remarquable (Nistrin Etradi et Lubna Azabal), une ode aux femmes, ou plutôt au courage des femmes, à leur force, leur caractère, leur force de caractère, leur travail acharné, leur dévouement et surtout, leur amour infini.

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le 3 mars 2020

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