Alors que Jaume Balagueró tend à s'émanciper de l'épouvante qui a fait son succès (sa dernière réalisation "Braquage finale" était par exemple un film de casse), Paco Plaza s'essaie une nouvelle fois à ce registre pour tenter d'égaler la réputation de son illustre collègue dans les mémoires après plusieurs tentatives infructueuses (du changement de ton clivant de "REC 3" à l'oubliable "Verónica", ses films peinent à s'imposer comme des références en la matière malgré un savoir-faire indéniable).


Avec son prologue faisant brillamment fusionner le concept de poupée russe au sort de son abuela isolée, Plaza nous rappelle en l'espace de quelques minutes que son talent ne le cantonne décidément pas à n'être que l'autre réalisateur de "REC" tout en livrant les clés décisives du sort qui attend sa jeune héroïne vouée à revenir s'occuper de sa grand-mère fragilisée.
En "fin de vie" de sa carrière forcément éphémère de mannequin, Susana est en effet ironiquement obligée de mettre ses activités entre parenthèses (peut-être définitives) pour venir soutenir son abuela qui, elle, vit littéralement ce qui sont sans doute les derniers instants de son existence. Là où la petite-fille est toujours renvoyée à son image de jeunesse par ses regards posés avec insistance sur le moindre reflet ou des publicités la mettant en scène, on découvre un appartement dépourvu du moindre miroir, comme si la grand-mère n'osait tout simplement pas regarder sa vieillesse en face, préférant clairement le réconfort intemporel de son apparence passée à travers l'étalage de photographies ou de peintures la figeant dans ses plus belles années. Bref, à ce stade (et on est à peine à un quart d'heure de sa durée totale), la destination du film ne fait plus guère de mystère et paraît même inéluctable, reste à savoir si le voyage proposé pour l'atteindre va se montrer à la hauteur...


Sur certains points, oui. Le détournement en mode épouvante des solutions de fuite pour abandonner à son sort une personne âgée devant la difficulté de son état -et qui, ici, se traduit par une résistance de l'ordre du parasite invasif de la part de la abuela dans la vie de sa fille- est clairement le parallèle à la réalité le plus habile, atteignant son paroxysme dans une très bonne idée de séquences-miroirs où, à l'attention naturelle des débuts répondra la pire et la plus lâche des issues, signe du désemparement complet de Susana à l'égard de sa grand-mère devenue en tout point ingérable. De même, en termes d'ambiance et d'instants révélant le comportement anormal de la grand-mère (le visage et le regard perçant de Vera Valdez est la valeur sûre du film niveau frissons), Paco Plaza sait, en bon artisan qu'il est, mettre en valeur les aspects les plus dérangeants de son "Abuela" pour tourmenter et emprisonner sa petite-fille dans le huis-clos d'un appartement s'assimilant toujours plus à la cage mentale de ses objectifs funestes.


Malheureusement, les aspects les plus positifs du long-métrage s'arrêtent là car, dans l'ensemble, notre séjour en compagnie de "Abuela" va nous paraître aussi long que le calvaire vécue par sa jeune descendante. Si le film sait parfois incontestablement se montrer efficace et habile, la montée en puissance de ses événements est la majorité du temps affreusement prévisible, sombrant même dans une répétition qui finit par nous laisser de marbre au bout de la énième "promenade" de sa petite grand-mère ou de ses agissements pour s'accrocher à la compagnie de Susana. Par l'ennui inévitable que son œuvre provoque, Plaza confirme involontairement qu'il a un mal fou à tenir l'originalité d'une idée sur la durée, sa propension à céder à des effets de plus en plus faciles là où il laisse pourtant d'abord voir de vraies belles fulgurances est hélas une preuve de son inconsistance qui renforce son statut de cinéaste mineur sur le terrain de l'épouvante. Bien que le fin mot de cette histoire soit connu d'avance, son incapacité à le transcender par une mise en scène audacieuse (le résultat ne sera pas honteux, juste banal) en apporte l'ultime démonstration, faisant de "Abuela" une simple nouvelle ligne oubliable à sa filmographie. Dommage... encore une fois.

RedArrow
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le 6 avr. 2022

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RedArrow

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