On dirait presque un OVNI : un film qui se passe dans le monde de la grande gastronomie, dont le héros est un chef aussi Rock’n Roll et névrosé qu’une Rock star, et qui réunit dans un même casting Bradley Cooper, Omar Sy et Daniel Brühl. Sur le petit écran français, on avait déjà eu droit dernièrement à la série Chef où l’univers de la gastronomie était traité sous l’angle du polar. Mais là où cette série était franchement décevante, le film de John Wells s’en sort comme un chef.
Donc la cuisine est un art. Inutile d’en douter lorsque la caméra nous montre régulièrement des gros plans sur les plats préparés. Et Adam Jones est le meilleur artiste cuisinier. Sauf que c’est un artiste déchu. Après avoir appris l’art culinaire auprès d’un chef français, il a fini par disjoncter, en tombant dans l’alcool et la drogue avant de disparaître après avoir conduit le restaurant où il officiait à la fermeture. Cinq ans plus tard, le voici de retour, non plus à Paris mais à Londres, déterminé à fonder le meilleur restaurant et à obtenir la plus haute distinction culinaire : trois étoiles au guide Michelin. Evidemment, il aura fort à faire pour convaincre les uns et les autres de le suivre dans cette aventure, sans compter que des individus auxquels il doit de l’argent le poursuivent.
Mais A vif ! ne tombe ni dans le thriller sur fond de rivalité entre restaurants, ni dans le prévisible happy end. Le film préfère s’attacher à la figure d’Adam Jones, non pour le voir réussir magistralement son retour sur la scène gastronomique, mais pour mieux souligner ses faiblesses. Car Adam Jones est en vérité un perfectionniste qui ne parvient pas à déléguer, et surtout à accepter la faillibilité humaine. Obsédé par la perfection, il en devient presque inhumain avec son équipe, y compris ceux qui sont de la meilleure volonté. Comme tous les grands artistes, il ne peut accepter l’idée même de l’échec, au risque de se couper des autres et de se détruire lui-même. Il finit par en oublier que la cuisine est aussi un art de la table et de la convivialité, comme en témoigne le fait qu’il ne se joint pas à son équipe lors de leur pause repas. Lui qui donnerait tout pour son art est en train de se consumer de l’intérieur, à force de ne pas reconnaître qu’il a besoin des autres et qu’il doit accepter ses propres imperfections autant que les leurs.
En définitive, ce que le métrage de John Wells raconte véritablement, ce n’est pas l’histoire du retour triomphal d’un chef prodigue, mais bien plutôt l’histoire d’un homme voué à son art et qui finit par s’ouvrir aux autres, tout en acceptant sa condition humaine. On ne saura pas finalement si Adam aura sa troisième étoile, et au fond, qu’importe ? Ce n’est pas le plus important. Ce qui compte c’est qu’il aura enfin gagné des amis, et sera parvenu à une vie plus sereine.

Jessalynn_ImFin
8
Écrit par

Créée

le 11 nov. 2015

Critique lue 854 fois

Jessalynn_ImFin

Écrit par

Critique lue 854 fois

D'autres avis sur À vif !

À vif !
HenriQuatre
3

Indigestion

Quelques scènes de pétages de plomb façon Cauchemar en Cuisine ne suffiront pas à sauver ce long métrage de l'oubli. Un Bradley Cooper toujours à la recherche de son Oscar qu’on apprécie sauf quand...

le 12 nov. 2015

13 j'aime

À vif !
Val_Cancun
5

Sauce au père Sy

L'idée de faire un film dans l'univers de la grande cuisine était plutôt accrocheuse, surtout sous la forme du portrait d'un grand chef borderline, ayant fini par disjoncter sous le poids des...

le 28 mai 2020

8 j'aime

2

À vif !
cinevu
3

Americano-gastro

Americano-gastro Alors on prend les mêmes ingrédients afin d’assurer la bonne recette à l’américaine pour un film pseudo-gastronomique: des légumes de couleurs vives, des poissons aux yeux frais,...

le 9 nov. 2015

8 j'aime

Du même critique

007 Spectre
Jessalynn_ImFin
10

La guerre de l'information

Depuis Casino Royal, chaque nouveau James Bond confirme l’excellent choix de Daniel Craig dans le rôle du mythique espion, et le parfait travail de dépoussiérage de la licence. Plus physique, avec...

le 12 nov. 2015

3 j'aime

La Légende de Manolo
Jessalynn_ImFin
10

El día de los muertes

Après avoir rendu hommage aux films de monstres japonais avec "Pacific Rim", Guillermo del Toro s’essaie au cinéma d’animation en produisant une œuvre emplie de l’ambiance festive et colorée de son...

le 30 oct. 2014

3 j'aime

Les Voies du destin
Jessalynn_ImFin
10

La voie du pardon

Adapté des mémoires d’Eric Lomax, "Les Voies du destin" revient sur la condition des prisonniers de guerre britanniques obligés de participer à la construction de la ligne Siam-Birmanie, la fameuse...

le 23 juin 2014

3 j'aime