Il faut un temps pour atterrir.
Un temps pour se remettre à respirer, pour cligner à nouveau des yeux.
Un temps pour se sortir de l'horreur dans laquelle Scorsese nous a plongé, et ce deux heures durant.


A Tombeau Ouvert est, avec Les Nerfs A Vif, le représentant d'un pan trop peu analysé du cinéma de Scorsese ; celui de la paranoïa, de la folie. Si elle est prégnante dans toute son oeuvre, elle est ici à son plus haut degré.
Scorsese aime New York, vénère cette ville qu'il ne quitterait pour rien au monde et à qui il a déjà céder une immense part de sa filmographie. Et pourtant au visionnage du film, c'est une confiance immense en le réalisateur que l'on se doit d'avoir car le constat qu'il fait de sa ville chérie fait trembler. On se demande jusqu'où il va bien pouvoir nous emmener et on le suit avec foi, sans jamais lâcher sa main.
Avec un art du steadycam inégalé, Scorsese nous fait pénétrer l'horreur qu'il distingue du reste du monde par un jeu d'éclairage virevoltant et halluciné, peut être le plus osé que dans aucun autre de ses films. Il faudrait interdire ce film aux épileptiques tant la virée est violente, servie en fond sonore par une trame agressive qui mélange effets sonores, cris d'insultes et de douleurs et vrombissements du moteur de l'ambulance s'engouffrant dans une rue de New York.
On pourrait voir A Tombeau Ouvert comme un Taxi Driver N°2, tant Scorsese semble renouer avec ce film qui lui valut son succès. C'est un univers sale, bruyant, poisseux, violent, qu'il nous montre ici. La violence est telle qu'elle est insidieuse, ne se dit jamais vraiment. Scorsese ne filme rien d'horrible. Il pourrait céder au penchant morbide d'un Gaspar Noé et nous faire pénétrer dans les arcanes des enfers du sexe et de l'ultra violence. Mais il n'en est rien. Scorsese suggère, laisse entendre par un jeu d'éclairage à son apogée, par une caméra plus habile et folle que jamais, par une bande son déchaînée où se percutent dans un feu d'artifice du rock, du reggae et les violons dissonants d'Elmer Bernstein, et souligne le tout par une ironie atroce, une causticité terrible qui fait rire comme jamais.
Car, à la manière des personnages, le choix est restreint : rire ou craquer.
On est là face à film inégalable, horriblement dérangeant, à ne pas donner à n'importe qui, sur lequel on aurait beaucoup à dire, beaucoup à analyser (comme toujours le film croule sous les références religieuses).
Mais on pourrait s'arrêter là et dire, sans rien ajouter de plus, que décidément Scorsese ne sait rien faire d'autre que des chefs d'oeuvre qui coupent le souffle.

Charles Dubois

Écrit par

Critique lue 211 fois

1

D'autres avis sur À tombeau ouvert

À tombeau ouvert
RemyD
10

Calvaire nocturne d'un ambulancier new-yorkais

Scorsese retrouve son scénariste de Taxi Driver, Raging Bull et La Dernière Tentation du Christ, le calviniste Paul Schrader et offre à Nicolas Cage un rôle plus christique que jamais.En français,...

le 26 juil. 2022

35 j'aime

À tombeau ouvert
cinemusic
10

Les nuits hantés d'un ambulancier...!

Début des années 90:un ambulancier, Franck Pierce (Nicolas Cage) sillonne toutes les nuits les rues de Hell's Kitchen avec divers coéquipiers pour tenter de sauver des personnes que personne ne veut...

le 26 mars 2018

18 j'aime

7

À tombeau ouvert
Gharlienon
7

Ci-gît la vie... à vie ???

Nicolas Cage... Il a tourné dans un parquet de films médiocres, s'est distingué avant tout aux yeux du grand public pour l'outrance de son jeu. et ceci, notamment à travers ses expressions simiesques...

le 25 août 2014

12 j'aime

1

Du même critique

Les Blues Brothers
Charles_Dubois
5

Critique de Les Blues Brothers par Charles Dubois

Film emblématique d'une génération, The Blues Brothers n'a pas réussi à me convaincre. En tous cas pas totalement. Certes je n'ai pas passé un mauvais moment, j'ai même ri franchement à certains...

le 29 déc. 2015

18 j'aime

Her
Charles_Dubois
10

30 Putain de minutes

30 minutes. 30 putain de minutes. Je crois n'avoir jamais sorti aussi longtemps mon chien. C'est le temps qu'il m'a fallu pour arrêter de pleurer. Pas de tristesse. Pas de joie non plus. De...

le 23 juil. 2014

16 j'aime