Une histoire d'amour sans paroles n'a plus besoin du protocole...


**Je lui dirai les mots bleus Ceux qui rendent les gens heureux Une histoire d'amour sans paroles N'a plus besoin du protocole **...



Histoire d'amour poignante que nous narre Tom Ford, styliste, couturier connu et reconnu, ayant travaillé notamment pour Gucci et YSL, passé au cinéma depuis peu.
Et quel cinéma pour un premier film.
On reconnait le styliste et son amour pour une forme d’architecture dès les plans d'introduction de cette histoire d'un "homme singulier".
Images superbes, réalisation léchée, cadrages classiques mais somptueux, ralentis étourdissants, tout est d'une beauté qui m'a littéralement terrassé.
Mais ce ne serait rien si il n'y avait cette histoire d'amour ma foi toute simple entre un professeur d'université de Los Angeles et son jeune compagnon en plein dans les années 60.
L' histoire commence par la destruction de cette relation. Cet Amour est mort 8 mois plus tôt dans un accident de voiture avec leurs deux chiens . L'homme qu'il aimait est mort loin de lui, enterré sans qu'il ait pu assister aux obsèques, la famille ne le permettant pas du fait du caractère honteux de cette relation pour une famille respectable dans les années 60..
Des flash-backs empreints de tout le chagrin insubmersible du personnage principal scandent comme une litanie nostalgique les heures, les jours de celui qui reste en vie.
La tristesse infinie qui s'est emparée de Georges Falconer , le professeur d'âge mûr est comme un manteau d'hiver et de plomb, qui pèse sur ses épaules chaque jour, chaque matin, chaque soir.
La vie, l'envie de vivre le quitte peu à peu, les couleurs de la vie se fanent autour de lui littéralement, le gris et les ombres l'accompagnent où qu'il aille. Travail des tons et des coloris magistral !
Parfois, la lumière revient, les couleurs se font éclatantes au détour du sourire d'une jolie bouche de femme, d'un match de tennis acharné entre deux hommes torse nus , de la vision fugace d'une enfant en robe bleue qui joue à écraser un papillon entre ses mains et retourne jouer dans le jardin de la maison familiale . Le rouge rubis d'une robe, le bleu profond d'un ciel, l'horizon mordoré de la ville envahi par le fog, le rose qui vient aux joues lorsque le trouble s'empare de Georges.
Le monde s'éteint parce qu'un seul être manque et s'éveille parce que la terre n'est pas si dépeuplée que ça de gens dignes d’intérêt, sous les éclairages extraordinaires de Tom Ford. Travellings gracieux et sinueux dans un monde presque endormi. Un monde qui s'attend lui aussi à la mort prochaine, très prochaine.
Novembre 1962. Le monde est au bord de l'apocalypse nucléaire du fait de la crise des missiles de Cuba et de l'affrontement irrémédiable entre les USA et l'URSS.
Mais le monde peut attendre , il peut se fissurer, se diluer dans l'anxiété de ces semaines très particulières avant que le verdict ne tombe. Celui qui se fissure physiquement et moralement, c'est l'homme qui peine à se lever chaque matin pour vivre ...
Plus de raison de vivre...
Ce professeur et universitaire Anglais, homosexuel, déraciné volontaire dans ce pays décidément trop vaste, trop bruyant, trop ensoleillé se lève chaque jour en se demandant à quoi bon. Le pire dans sa vie est le silence, le mutisme , le fait de devoir cacher la nature de son mal du fait de son appartenance à une "race" d'invisibles , comme il le souligne à mots couverts dans un de ses cours.
But a minority is only thought of as one when it constitutes some kind of threat to the majority. A real threat or an imagined one. And therein lies the fear. If the minority is somehow invisible, then the fear is much greater. That fear is why the minority is persecuted. So, you see there always is a cause. The cause is fear. Minorities are just people. People like us
Les homosexuels sont gentiment tolérés mais ignorés, écartés et certains en ont peur.
C'est un monde cloisonné dans lequel vit cet homme. Maison d'architecte superbe aux grands espaces vitrés avec du bois élégant sur les murs . Belle voiture Allemande aux portières intérieures habillées elles aussi de bois.
Rituels chaque matin au lever avec son lot de tics et de regards vers une horloge qui met un temps infini à faire mourir ce temps hémophile. Cet homme cache sa peine digne et indigne aux yeux de ses contemporains derrière des lunettes noires Ray Ban de vue. Il porte des costumes dignes de ceux d'un couturier ( forcément ) avec une maestria qui force l'admiration. Colin Firth, acteur que je découvre de plus en plus, est décidément l'homme le plus élégant du monde et l'acteur le plus épatant en parangon magistral du chic britannique, avec son accent raffiné.
Tout est élégant dans ce film. Musique de Shigeru Umebayashi et Abel Korzeniowski Lancinante et triste à défaillir , décors sublimes de Dan Bishop, acteurs sensibles au diapason.
Julienne Moore, en amie amoureuse, insatisfaite de la relation qui l'unit à cet homme qu'elle a connu physiquement avant sa liaison homosexuelle est extraordinaire. Sorte de mégère apprivoisée, alcoolique expansive, qui essaie constamment de retenir dans ses rets le seul homme qu'elle aime mais qui ne peut le lui rendre comme elle le souhaite , elle donne à son rôle une vigueur exceptionnelle même si l'on peut regretter quelques outrances . Je ne boude cependant pas mon plaisir de la voir cabotiner avec délectation.
C'est donc une journée comme une autre que nous allons suivre avec cet homme vieillissant, son réveil, ses coups de téléphone, ses voisins, leurs enfants qui passent autour de lui comme ralentis par l'inéluctable qui approche. Il va donner ses cours, ranger méticuleusement ses affaires et l'on comprend qu'il a programmé son suicide à la fin de la journée. Un revolver est prêt, les balles ont étés achetées, le barillet est plein.
Sauf que la vie, des menus détails de pratique compliquée du dit suicide assez hilarants il faut le souligner, un jeune élève qui va le troubler consciemment, son amie Charley ( Julianne Moore toujours ) éternelle amoureuse transie qui le harcèle gentiment , un espagnol qui le drague ouvertement, une petite fille qui passe , tous ces petits éléments désuets et particuliers vont raviver en lui le désir peut être de vivre encore .
Le désir va se réveiller. l'amour est-il possible encore, comme lorsque l'on rate son bus? Il suffit d'attendre le prochain bus à son arrêt ou celui d'après, il y aura toujours un bus qui vous attendra comme le lui fait remarquer un jeune homme qu'il croise avant de repartir se tirer une balle dans la bouche sur son lit confortable .
Tout ce qui lui rappelle son compagnon durant ses 16 années de vie commune, l'odeur d'un chien , une photo en noir et blanc, un vague canapé qui les a vu tous deux complices et voués l'un à l'autre, toute cette douleur permanente et terrifiante qu'il ne supporte plus va s'effacer par la grâce d'une rencontre et d'une attirance que l'on devine réciproque malgré ses réticences et sa fidélité au souvenir de son compagnon.
Le dénouement à plusieurs niveaux d'interprétations du long métrage peut surprendre.
Fin triste et mélancolique ou fin en forme de pied de nez et d'espoir, chacun y trouvera ce pour quoi il est venu.
Seule reste la prégnante impression d'avoir assisté à la narration élégante et subtile d'une histoire d'amour inoubliable dans un monde qui rend invisibles les êtres qui le dérangent.
L'homosexualité est effleurée, suggérée discrètement sans caricatures et manières ambiguës.
Il s'agit là d'une histoire d'amour et du désastre qui entraîne celui ou celle qui reste en tant que survivant. La sexualité n'est pas ce qu'il y a de plus important même si le film laisse à réfléchir sur une époque et ses modèles de société conquérants.
Le résultat est d'une magnificence qui laisse perplexe et songeur. Je suis resté un long moment anéanti par tant de langueur. Je suis resté touché par le terrible ennui dépressif qui ronge cette vie, après la mort de cet être aimé, et que nous renvoie comme un soufflet luxueux à la figure, ce film.
Magistral et envoûtant.
Un vrai mélo à l'ancienne, digne des mélos des années 40/50 avec en plus la dextérité de la technique du 21ème siècle.
J'ai aimé. Impossible de ne pas aimer pour moi.

Prosper666
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le 27 mai 2019

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Prosper666

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