Royal Hangover et casting : les couilles posées sur la table en filigrane

Ce film est sympathique.
Voilà.


Je vais développer mais cette première phrase doit autant se lire comme le signe d'une certaine appréciation autant que celui d'un dédain, lui aussi assez certain.


Je vais passer sur la qualité de la mise en scène qui est totalement à la marge de ce qui importe dans ce film. Elle est sans éclats, moyenne sinon médiocre.


Le problème majeur du film, à mon sens, se situe dans le casting sauf, ce qui sera surement le cas pour une majeure partie de l'audience, si l'on a jamais vu de photos des deux princesses dans leur jeunesse et si l'on a jamais entendu parler de la Princesse Margaret avant ce film. Dans ce cas, ce film vous donnera une idée caricaturale de la plus jeune des deux filles de George VI. Je précise que le titre de ce texte ne fait pas vraiment référence à une comparaison avec le film américain du même nom mais plutôt au premier écart (qui sera suivi par de nombreux autres) de cette dernière.
En voyant apparaitre les deux actrices incarnant les deux soeurs, je me suis immédiatement dit que l'actrice choisie pour incarner la Princesse Margaret était très bien choisie. Physiquement, elle lui ressemble. En revanche celle pour Elizabeth, pas terrible. Première surprise ... j'ai confondu les deux rôles ... La première actrice joue Elizabeth II. Du coup d'une actrice mal choisie on passe à deux ...
Mais le plus problématique dans le fond est d'avoir choisi une actrice plus belle pour jouer la future reine que pour jouer sa soeur.


Ce casting ne surprendra pas forcément dans le fond car il suit les codes du show-business actuel qui abuse du paraître jusqu'à se noyer dedans : Le lead character est la parure du film et doit donc être incarné, dans le cas où celui ci n'est pas une superstar, par un acteur glamour, au physique clairement avantageux et au sourire bright. Le sidekick, lui, est ici pour mettre en valeur le rôle principal.
Ca n'est pas nouveau et c'est, malheureusement, a fortiori vrai quand les deux rôles sont incarnées par des femmes (sauf comédie). Une partie d'Hollywood s'est récemment targué d'un #Oscarsowhite pour dénoncer le manque de reconnaissance envers les afro-américains sous-représentés dans le palmarès de l'Académie. Mais également, et surtout, les reproches pointaient sur l'idée que les acteurs, réalisateurs et scénaristes noirs ne se voyaient pas suffisamment proposé les bons rôles, les bons contrats, les bons films, les bons chocapics. Soit, c'est vrai.
Il en est de même pour les femmes mais la par contre, tout le monde s'en fout. Oh certes, Jennifer Lawrence a poussé un coup de gueule (qui aurait eu plus d'impact si il avait été poussé par une Meryl Streep ou une Natalie Portman ... bref une meilleure actrice) mais celui-ci trahissait la motivation première des acteurs à notre époque : il portait sur le cachet ... naturellement. Quelques discours du même type ont été tenus récemment sur le même sujet mais avec moins de répercussion médiatique. D'ailleurs ce coup de gueule de Lawrence n'a mené à rien puisque la presse s'en est assez vite désintéressée et la sus-nommée (vous avez le droit d'avoir l'esprit mal tourné bande de cochons !) a due, elle contrairement à toutes les autres, parvenir à ses fins pour ses films actuels.
Mais l'industrie cinématographique (et je ne stigmatise pas uniquement Hollywood, je pense que c'est vrai partout) ne donne plus de grands rôles aux femmes depuis longtemps. Bon après c'est vrai qu'il n'y a pas tant de grands rôles que ça dernièrement tout court. Mais même les grands rôles "sexy" commencent à sérieusement s'amenuiser. Et puis plus l'âge avance pour les comédiennes, moins les propositions se font (sauf pour un cercle restreint dont font partie notamment Meryl Streep, Helen Mirren ou autre Maggie Smith). Et pour les réalisatrices et scénaristes ... n'en parlons même pas. Quand elles l'ouvrent on (= ceux qui contrôlent le business) doit surement gentiment leur faire comprendre, couilles posée sur la table, qu'il faudrait mieux qu'elle la ferme assez vite si elles veulent continuer à travailler. En gros : "c'est qui le patron connasse ?" Peut-être que si la partie d'Hollywood qui s'était émue pour #oscarsowhite se mobilisait aussi, unis tous ensemble, pour ce problème, on irait quelque part. Je trouve d'ailleurs toujours assez triste que, dans ce monde, chacun défende son propre problème. Les scénaristes défendent les scénaristes, les acteurs, eux-mêmes, les noirs défendent les noirs, les femmes défendent les femmes, ah et non. Marlon Brando a défendu les indiens. Mais la on s'en fout parce qu'on les a déjà exterminé. Bref tout ceci est vrai pour le monde de manière générale mais a fortiori l'Amérique et a fortiori Hollywood (ben oui, quand même !) où tout est bien sectorisé et donc ou tout finit par être "sectarisé". De manière générale, l'Amérique s'émeut beaucoup moins de la situation des femmes dans son pays que des problèmes, historiques, raciaux ou, aujourd'hui, religieux (merci Donald Trump. T'es moins marrant que ton homologue de chez Disney finalement).


BREF : toute cette dérive réactionnaire pour dire que ce qui semble malheureusement et inéluctablement devenu un code vient poser ici un contre-sens de taille. La Princesse Margaret a connue une réputation sulfureuse entretenue par les médias à cause de son physique très avantageux et d'un caractère dépeint sans doute de manière caricaturale comme "rebel". Margaret a été fantasmée par les paparazzi (dont le harcèlement fut tel qu'il aurait été le premier responsable de ses abus et de son caractère dépressif) autant qu'on a cherché à ôter tout sexualité d'Elizabeth avant tout à cause de cette apparence au préalable favorable. C'est donc un non-sens total que de représenter Elizabeth comme le charme incarné, Margaret comme pauvre petite cruche prête à tout pour connaitre l'aventure, la première comme un équivalent moderne mais moins impétueux de Kate Winslet dans Titanic - son chéri rebel s'appelle d'ailleurs Jack dans le film ... oui, ils sont allé chercher tout ça très loin. Vous verrez que les similitudes ne manquent pas entre ces deux couples - et la deuxième comme une petite soeur grassouillette un peu porcine n'ayant pas terminée sa crise d'adolescence qui la mènerait enfin vers l'état de truie bien dégrossie (je me délecte de cette dernière description pour quelqu'un qui vient de s'enthousiasmer dans une embardée féministe dans le paragraphe précédent, ce qui ne sera sans doute pas le seul paradoxe de cette critique). Donc oui, chers producteurs et directeur de casting, il y avait bien besoin d'une actrice charmeuse et charmante au premier regard dans ce film ... MAIS POUR L'AUTRE PUTAIN DE ROLE ! En somme, tout ceci dénature totalement l'Histoire avec un grand H. A force de vouloir livrer un rendu trop glamour, le cinéma tend à oublier le rôle principal d'un biopic comme celui-ci, restituer de manière la plus crédible une réalité romancée. Le casting général n'est d'ailleurs pas très bon non plus. S'il lui est peut-être plus ressemblant, Rupert Everett peine à convaincre autant que Colin Firth dans Le Discours d'un roi. Emily Blunt s'en sort mieux. J'insiste d'autant plus sur ca que j'ai vu, à la suite, Trumbo qui, pour le coup, réunit un casting qui campe des célébrités hollywoodiennes et qui s'en sort nettement mieux. C'est un comble car tous les acteurs ne ressemblent pas forcément non plus à leur rôles mais leur performance rattrape ce défaut. C'est notamment le cas pour Bryan Cranston (il devrait avoir un Oscar si jamais l'Académie décide à nouveau de snober DiCaprio) ou David James Eliott dans le rôle de John Wayne. Le mimétisme est plus flagrant pour Dean O'Gorman (Kirk Douglas dans le film) dont l'interprétation est tout de même un peu caricaturale. C'est également un comble parce que une figure comme John Wayne ou Kirk Douglas nous est a priori plus familière que Elizabeth II ou Margaret à 20 ans.


Donc, au final, pourquoi ne pas mettre 1 ou 2 et descendre véritablement le film comme il le mériterait peut-être. Parce que si vous aimez les films un peu tiré par les cheveux, à l'eau de rose, avec des beaux costumes et un fond historique (tout de même pas si inintéressant que cela), A Royal Night Out peut se regarder avec un certain plaisir. Le rythme du film vous entraine dans une valse effrénée qui se révèle être un véritable parcours du combattant pour Elizabeth autant que l'aventure de sa (alors courte) vie. Par ailleurs, si le casting est mauvais au regard de l'Histoire, Sarah Gadon s'en sort avec les honneurs pour ce qui est d'interpréter une reine dont on sait, même jeune, le sens du devoir monarchal mais qui n'en reste pas moins une jeune fille qui découvre le monde extérieur en même temps que ses propres envies, sa sexualité et son caractère. De ce point de vue le film est assez réussit et la romance fonctionne. Elle fonctionnerait mieux avec un acteur au niveau pour interpréter Jack. N'est pas Léonardo qui veut. La caricature d'une Margaret porcine qu'on retrouve dans une brouette à la fin du film (pour montrer qu'elle était quand même dépravée, vous comprenez ...) reste un problème assez anecdotique puisque l'importance du récit réside dans la volonté de faire un portrait de la reine Elizabeth à 20 ans et de son caractère somme toute relativement complexe ...


... le problème étant que pour un film dépeignant une anecdote, l'anecdotique reste essentiel.

Bapman
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le 17 déc. 2015

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