À quel prix ? par 2flicsamiami

Au lendemain des attentats du 11 Septembre 2001, le Congrès envisage l'ouverture d'un fond d'indemnisation aux victimes. L'idée avec ce fond est de verser une indemnité aux survivants et aux familles des défunts suffisamment élevée pour les dissuader d'attaquer en justice compagnies aériennes et services de sécurités. Un procès mettrai en effet ces derniers financièrement à genoux, en plus d'imposer aux plaignants des années de procédure extrêmement coûteuse.
Ken Feinberg (Michael Keaton, parfait), avocat spécialisé dans ce domaine, s'engage, avec son cabinet, et à titre bénévole, à diriger ce fond. Il dispose de deux années pour recueillir 80% des signatures des familles de victimes, seuil à partir duquel les compagnies aériennes ne craindraient pas une faillite en cas de poursuite judiciaire.

Il faut bien comprendre la complexité qu'impose un tel projet.
Une vie est une vie, est à ce titre, verser la même indemnité à toutes les familles des victimes semble être une option satisfaisante sur le plan morale. Mais en choisissant cette solution, on soustrait le profil économique de chaque victime. Avait-il une femme, des enfants ? A quelle hauteur son salaire subvenait-il au besoin de la famille ? Quel était le montant de ses revenus ? Avait-il un prêt à rembourser ?
On peut alors envisager une indemnité en fonction du salaire annuel de la victime. Une vie vaudrait alors plus qu'une autre. Cela semble plus équitable, mais c'est moche d'un point de vue morale, quand bien même elle correspondrai à la réalité économique de nos vies. Je viendrai à mourir dans un attentat, ma vie ne vaudrait pas plus qu'un Smic.
Il n'existe donc pas réellement de solution miracle. Le but ici est donc d'élaborer le mode de calcul le moins imparfait possible et le plus objectif.
Et puis, d'un point de vue purement affectif, aucune somme ne peut remplacer la disparition d'un être qui vous est cher. Alors, à quoi bon courir après les dollars ?

Tout ça aurait dû être le sujet de A QUEL PRIX ?

Malheureusement, il passe totalement à côté de son sujet. Il se préoccupe davantage du manque d'empathie et/ou de l'excès d'objectivité mathématique du personnage principal, qui n'est pas un mauvais bougre, juste maladroit. La réalisatrice, Sara Colangelo, reste trop en surface, n'embrasse pas assez la complexité du chantier que représentait ce fond d'indemnisation. Elle préfère jouer la carte de l'émotion. Le film est d'ailleurs plusieurs fois victime de ce que j'appelle "l'effet marteau", ce plan ou cette scène de trop enfonçant une idée ou une émotion au point d'en amoindrir la beauté.
Exemple : cette courte séquence où Charles Wolf (excellent Stanley Tucci) vide son réfrigérateur et découvre un tupperware sur le couvercle duquel est scotché un mot de sa défunte femme. La scène est filmée d'assez loin, dans l'embrasure d'une porte. Un point de vue qui impose une discrétion. On regarde à distance, on devine, on guette l'émotion et les gestes. C'est magnifique. Et là, BIM ! Gros plan sur le mot en question. On pénètre dans l'intimité du personnage. L'effet créé est annulé. Nul.
Et puis le film est globalement ennuyeux.
Vraiment dommage parce que les acteurs sont tous très bons.