A Beautiful Life
5.5
A Beautiful Life

Film de Mehdi Avaz (2023)

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Une apologie ennuyeuse de l'aliénation volontaire

Résumons : un homme jeune et sensible vit plutôt peinard une existence de liberté, avec ses galères et son passé, comme tout le monde. Des potes, un patron sympa, un boulot pas facile mais au grand air, il vit dans un magnifique bateau, le tout dans un cadre somptueux.

Arrivent des gens sortis de nulle part, clairement pas tranquilles dans leur tête, malheureux comme les pierres, qui lui expliquent que grâce à eux, il va "enfin devenir quelqu'un" en suivant fidèlement la voie du père et du mari, à propos duquel ils se déchirent, car il les a abandonnés en suivant sa carrière. Ca fait vachement envie, non ?

Le jeune homme résiste. Il voit bien le piège. Mais heureusement ces sauveurs s'occupent de lui et le libèrent de sa condition. Enfin de force bien sûr, sinon il perd son job et va en prison. Qui aime bien châtie bien.

Et là c'est le Saint Graal : il devient quelqu'un car il a des centaines de milliers de like sur YouTube. Tu imagines ? Est-il possible de se sentir plus accompli, quand on a la reconnaissance des réseaux sociaux ? Il va faire fortune, arrêter de transporter des caisses au grand air, sortir d'une vie anonyme et (forcément) misérable. Et ce passage hallucinant où sa nouvelle petite amie lui dit "tu es prêt ?". C'est formidable d'aimer quelqu'un pour ce qu'il pourrait devenir grâce à mon action, plutôt que pour qui il est, non ?

Une fausse et mauvaise reprise de Will Hunting, qui lui prenait le parti inverse (ne pas s'aliéner au système et trouver l'amour pour soi, en assumant ses blessures), avec le talent d'acteurs sensibles, dans un script génial.

Ici les séquences de sensiblerie s'enchainent mal. L'homme est beau et tatoué, un peu perdu, une belle voix. Ca doit faire frissonner certains coeurs. Personnellement, bien qu'un peu émotif, ça m'a laissé de marbre. Mon sens poétique n'y a rien trouvé, à commencer par l'authenticité.

Au bout de 50 minutes de cette ode au marketing agressif et à la bienveillance persécutrice, j'ai décroché. Avec comme une envie d'arrêter illico presto mon abonnement Netflix.

Le seul point appréciable : la photographie. Les plans sont très beaux, ils donnent envie de prendre un billet pour Copenhague et visiter Le Danemark. Et c'est tout. Je dois pouvoir trouver mieux dans un documentaire moins orienté.

D'un point de vue psychanalytique, on se demande ce qu'en aurait pensé Carl Jung.

J'ai trouvé ce film consternant. Et aussi fascinant quelque part, j'avoue. Recueillir autant d'argent - et apparemment de commentaires enthousiastes - pour une apologie sans scrupule de la névrose, du triangle dramatique et de l'insuffisance de l'être, ça laisse interdit.

Reconnaissons que cette production fait rapidement du business en capitalisant sur l'émotion, à grands coups de recettes éprouvées. Puisque c'est cela qui compte avant tout pour les financeurs, l'objectif est atteint, sans doute.

Tout ça m'a donné envie d'aller revoir ce TEDX extraordinaire de Brené Brown sur la vulnérabilité. Histoire de respirer un grand coup après mes 50 minutes d'apnée.

Enfin Shakespeare doit bien se marrer dans sa tombe. Chez lui ça se terminait mal, au moins.

Pagri
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le 30 juin 2023

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Pagri

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