Dimanche 10 décembre 2017.
Cela fait déjà deux/trois jours, certainement plus mais j'veux pas l'savoir, que Johnny nous a (enfin surtout eux) quittés. Drucker lui est toujours là, au poste, alors pas question d'allumer la télé. C'est un peu comme si je faisais une overdose d'héro alors que je n'y ai jamais goûté...
La famille crèche à 100 bornes de chez moi, donc ni rôti, ni poulet dominical. J'me fais un cinéma.


Faut dire que j'avais déjà très envie de le voir ce A Beautiful Day avant sa sortie, Lynne Ramsay nous ayant pondu l'excellent We Need to Talk About Kevin six ans plus tôt. Mais voilà, la moyenne SC du film s'est assez vite retrouvée à un niveau relativement moyen (6,4) qui, pour 11 euros l'heure 30 chez Gaumont, m'éloignait un peu plus de cette séance ciné...
Mais Rennes n'est pas Lons-le-Saulnier (private joke), et à quelques encablures de chez moi, une petite salle à Bruz s'est soudainement mise à le projeter, à un horaire idéal et pour la modique somme de 6 euros 50. Une salle pas si petite que ça en fin de compte, tout en dénivelé et avec un écran assez imposant. Je me souvenais y avoir vu "Mon Voisin Totoro" il y a quelques années...


Sauf que cette fois-ci : ni peluches vivantes, ni prairies verdoyantes. A Beautiful Day porte mal son nom ; enfin presque...
New York by night, and day. Et une ambiance "Taxi Driver du 21ème siècle" comme nous la vendent peu modestement les promoteurs du film. Le genre d'accroches racoleuses qui aurait plutôt tendance à me faire fuir...
Mais la séance commence très fort. La BO me file direct les poils et nous avons effectivement droit à de la scène tripante en mode conduite de nuit (une ou deux autres viendront plus tard). Joaquin Phoenix faisait évidemment partie de ma seconde motivation première, surtout avec ce non-style hirsute et, puisqu'on le verra souvent torse-poil, un certain embonpoint et quelques vilaines blessures de guerre. Le personnage qu'il incarne -avec toujours plus de talent- intrigue pendant un bon moment, et ce d'autant plus que nous ne savons et ne comprenons pas grand-chose de ses motivations... Tout juste en saurons nous davantage sur ses rapports avec sa mère, chez laquelle il habite encore ; des rapports sacrément bien illustrés avec notamment le petit mime hitchcockien qui va bien (on aura droit vers la fin à un hommage spielbergien un peu moins convaincant).


Quelques dragibus dans le gosier plus tard, se pointe la période qui m'aura le moins plu, les choix artistiques du sauvetage de la jeune fille me laissant dubitatif. Surtout que des flash-back trop nombreux finiront par me saouler. Mais ces tergiversations ne dureront qu'un temps, 10 minutes tout au plus, puisque la violence des images et l'effarement que le scénario génèrera relanceront largement mon intérêt, jusqu'à cette scène au bord d'un lac tout bonnement magnifique ! Et puis ce final ! Il m'a carrément chopé à la glotte ! Avec tout d'abord sa fausse piste meurtrière, mais surtout ce dénouement qui me fera passer par toutes les émotions (oui j'exagère un peu forcément) lorsque tout l'avenir de cet homme perdu se jouera métaphoriquement sur quelques mots, sur un choix qui ne sera pas le sien n'étant même plus lui-même capable de choisir. C'est très très fort et, étonnamment, je suis ressorti avec le smile de ce film qui pourtant n'a presque de cesse que de nous dépeindre le désespoir et le vice humain.
Après, je ne vais pas vous mentir, A Beautiful Day vaut davantage sur sa forme que sur son fond. Pour donner un ordre d'idées, Lynne Ramsay se rapproche pas mal d'une réalisation à la Refn sur ce film, avec l'aspect captivant qui en découle, me concernant...


Enfin tout ça pour dire qu'une belle fin de journée ne se joue pas forcément sur l'avis des autres, car lorsque le pressentiment est bon, que vous avez confiance en l'un de vos acteurs(-trices) fétiches, et que le réalisateur(-trice) a récemment fait ses preuves, même une moyenne un peu décevante, aussi senscritiquienne soit-elle, ne vaut pas le coût de passer à côté d'un petit moment de bonheur, aussi imparfait soit-il.


8,5/10

RimbaudWarrior
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le 11 déc. 2017

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RimbaudWarrior

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