Camé et Léon
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Six ans après le monumental We Need to Talk About Kevin, Lynne Ramsay fait (enfin) son retour sur grand écran : il faut dire que la réalisatrice écossaise s’est toujours fait rare (quatre films seulement en vingt ans) et que son dernier volet avait déjà atteint un niveau de sophistication d’architecture du récit difficilement égalable. Il y avait donc de quoi attendre ce retour au thriller de pied ferme – après sa déconstruction du mythe de la mère américaine, cette fois-ci c’est la figure du père américain qui passe à la moulinette de son cinéma torturé, tortueux et torturant.
Le talent d’écriture de Ramsay a cette particularité qu’il faut attendre le deuxième ou troisième acte de ses films pour que celui-ci se révèle vraiment tout à fait : cet art tout particulier du flashback, de l’abstraction visuelle des démons intimes de ses personnages, ou encore du passage du temps, tend à complexifier des récits qui ne le sont pas vraiment. L’histoire de A Beautiful Day est apriori simple, mais son traitement relève d’une véritable cathédrale narrative tant Ramsay semble à nouveau vouloir à tout prix dévoiler ses thématiques en filigrane, surprendre le spectateur de par ses intrications inattendues.
Décrit comme un vengeance movie à la sauce Old Boy ou comme un film néo noir crépusculaire à la Taxi Driver, A Beautiful Day n’est pourtant ni l’un ni l’autre : œuvre sur le traumatisme de la guerre comme de l’enfance, récit quasi-freudien décryptant et mettant en parallèle tout autant les relations homme-père qu’homme-patrie, le film de Ramsay semble autant évoquer conflit intime et dépression que l’abandon par la société des cicatrices de ses propres crimes.
Là où We Need to Talk About Kevin fascinait, A Beautiful Day laisse cependant plus indifférent : si on applaudit cette approche ni trop pudique, ni trop sanglante de la violence, difficile de ne pas voir de l’excès de style dans l’accumulation d’éléments de récit plus ou moins métaphoriques qui alourdissent la fluidité du film.
Si A Beautiful Day n’est pas la meilleure réalisation de sa cinéaste, celui-ci nous confirme néanmoins tout le bien que l’on pouvait penser de celle-ci : montage raffiné, direction d’acteur toujours impeccable, narration à tâtons qui sait parfaitement doser ses mystères et ses révélations, mise en scène d’une louable sobriété. A défaut d’un grand film, on aura eu la version T-800 barbu dysfonctionnel de Un jour dans la vie de Billy Lynn. Brutalement malin.
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le 14 nov. 2017
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