Je suis persuadé que le livre de l'auteur québécois Patrick Senécal m'aurait beaucoup plu. Cependant, l'adaptation qui en a ici été faite par Eric Tessier m'a pas mal laissé de marbre.
Je regrette de ne pas pouvoir mettre 5.5.


Le scénario, plutôt classique dans l'idée (le jeune Yannick (Marc-André Grondin) se retrouve par la force des choses captif dans une famille aussi bien mystique que psychopathe), est teinté de divers sujets parallèles intéressants sur le papier. Force est de constater à la fin du film qu'ils ont tous soit été effleurés, soit proposés de façon assez grossière pour servir de vernis : un traitement en surface qui laisse un goût amer d'inachevé.


Je parle aussi bien du catharisme qui habite (différemment) les deux parents que du dualisme/manichéisme de la pensée qu'épouse le mari comme règle de vie ultime représentée par sa passion pour les échecs. Un jeu qui poursuivra Yannick le long du film et sera pour lui une potentielle porte de sortie. Une toile de fond qui aurait pu être à mon sens bien plus passionnante si mieux mise en valeur.


L'autre grand sujet, non sans intérêt, de la famille et de la reconnaissance des siens comme dignes d'en faire partie est amené un peu caricaturalement à mon sens.
Le captif qui a des visions répétées de son père qui le déconsidère, comme au début du film. Le père des "Justes" (Normand D'Amour) qui n'a pu avoir de descendant, un continuateur masculin de sa quête et qui se rabat sur sa fille ainée (Mylène Saint-Sauveur). La lycéenne porte nombre d'attributs blasphématoires (rien ne vous sera épargné : de son style punk-rock à la musique hardcore, la chambre sombre où sont dessinées des idoles féériques, ses aspirations, etc.) même si elle aime et respecte beaucoup son paternel qui ne parviendra pas à trouver en elle une digne successeure. A mesure du film, ce dernier semblera plutôt se tourner vers le jeune captif qui lui aussi, voit dans l'image de ce bourreau quelqu'un qui le considère comme il ne semble jamais l'avoir été. On a donc un petit parallèle sympa entre la fille et Yannick qui ont plusieurs points communs en plus d'être dénigré par leur "chef de famille" respectif.
On a également la mère (Sonia Vachon) visiblement méprisée malgré sa bigoterie (une femme jugée faible qui n'a pas assurée la descendance) ou la cadette de la famille (Élodie Larivière) que le père semble considérer comme une engeance démoniaque vu son comportement (que l'on comprend).
Bref, tout ça ne manquait pas d'originalité et de profondeur dans un film du genre mais c'est un peu amené à la pelle.


Dans ce quasi-huit clos, on ne passe également pas à coté des moments classiques d'irritation en tant que spectateur : le prisonnier semble avoir bien plus de possibilités pour s'enfuir que ce qu'il entreprend, les murs ne semblent pas bien épais et on reste surpris que les voisins n'entendent pas ses beuglements. Quand il parvient finalement à sortir, il s'y prend forcément comme un manche et finit rattrapé en quelques secondes, etc. Vous voyez le genre.


Niveau réalisation, c'est pas trop mal à quelques détails près : je pense que la claustrophobie provoquée par la "geôle" aurait pu être mieux représentée à l'image pour nous la faire ressentir. Si je l'imaginais, elle ne me prenait pas aux tripes comme dans l'adaptation cinématographique de Misery par exemple. Peut-être une histoire de goût mais j'ai trouvé les effets visuels lors des parties d'échecs très cheap, limite nanardesques. Marc-André Grondin joue plutôt bien l'évolution de sa démence mais je n'ai également pas trouvé de très bon goût les représentations visuelles de celle-ci, souvent dans le cliché.
Sinon, c'est propre et on ne s'ennuie pas. Le voyage de la petite casette-vidéo est également bien mis en scène (même si la situation est improbable mais bon).


Tout ça pour dire que je suis très partagé sur ce long-métrage. Vraiment l'impression qu'Eric Tessier disposait d'un support de qualité qu'il n'est pas parvenu à transformer convenablement. Après, il est possible que je mette beaucoup d'attentes sur un livre que je n'ai pas lu …
Ca reste un assez bon thriller-épouvante à regarder entre potes j'imagine (il y a bien pire dans le genre), mais pas un grand film dont je me souviendrai.

Czzo
5
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le 22 févr. 2022

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Czzo

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