Keanu Reeves semble bien parti vers la voie du samouraï. Alors qu’est déjà sorti aux Etats-Unis et en Chine Man of Tai Chi, la première réalisation de l’acteur de L’Avocat du Diable, Speed et Matrix, il débarque en France avec une première incursion du côté de l’Asie. Plus précisément, c’est du Japon dont il est question dans ce 47 Ronin entre action et tradition.
Dès les premières images, le message est clair : bienvenue dans le Japon féodal. Voix off basse, images animées très contrastées, entre ombres et couleurs, narration de la légende du Ronin, dont il sera question durant tout ce film. Le Ronin, c’est ce samouraï sans maître, condamné à l’errance et au déshonneur de ne plus avoir personne à servir, ni à protéger. A la plume, nous retrouvons Chris Morgan, habitué de la série des Fast & Furious. Pas forcément le gage d’une élévation d’esprit. Pourtant, le film s’y essaie, sans perdre une dimension martiale presque obligatoire lorsque l’on s’aventure du côté du pays du soleil levant.
BRODER DU COMPLEXE POUR CACHER LA MISÈRE
L’histoire de ces 47 Ronin se focalise en réalité sur l’histoire d’un amour impossible, bien plus que sur une confrontation entre deux grandes cultures ou deux grandes tribus rivales. Celle de Kai, jeune étranger au passé mystérieux incarné par Keanu Reeves, qui arrive par un prodigieux miracle à décompter moins d’expressions faciales que Kirsten Stewart dans un jour sans, et sa Mika aussi agaçante que celui qui fait le jury de The Voice (Kou Shibasaki), fille de Lord Asano (Min Tanaka), chef bienveillant qui l’est d’ailleurs un peu trop lorsque sa fille est demandée en mariage par le régent d’un faction voisine, qui fera donc office de salaud désigné. Pourquoi ? Parce-qu’il a vaguement la tête de l’emploi. Bon.
A la mort de Lord Asano, tous ses protecteurs – qui sont presque plus nombreux que la population qu’ils préservent – sont tour à tour sommés de ne pas se venger, puis bannis de leurs terres. Il leur faudra le retour de leur chef, incarné par le très élégant, comme toujours, Hiroyuki Sanada (Sunshine, Helix) pour braver leurs interdits. Et pour exploiter ces quelques petites lignes de scénario, il faudra 35 longues minutes de pathos et de décors qui rivalisent de mauvais goût avec ceux de After Earth. Une sensation de fausseté légitimée par le coût exorbitant de cette fresque : près de 170 millions de dollars, un montant qui aura presque mis en faillite Universal, par ailleurs…
UN CASTING À 99% JAPONAIS… TOURNÉ EN ANGLAIS
Tout est dans le titre. Alors que la première version du scénario avait été prévu entièrement en japonais, à la dernière minute, les producteurs sont revenus sur leur décision et ont décidé de tourner le tout… en anglais. Résultat, Reeves enchaîne voix monotone sur réplique plate, et surtout, tout le casting nippon a énormément de mal à apporter une réelle conviction dans l’interprétation. Non pas que nous questionnons leur talent, au contraire – les jeux de corps et les expressions sont parfaites – mais les dialogues tombent dans une lourdeur absolument terrifiante. L’intonation japonaise est très difficilement applicable à la langue anglaise. Pour ceux qui en douteraient, voilà peut-être une raison d’aller voir le film.
Si on veut éviter d’enfoncer ce 47 Ronin complètement, nous pourrons souligner un certain respect de la tradition nippone dans les costumes et dans les décors, tant qu’ils sont naturels, et intérieurs. Les scènes de combat sont plutôt correctes, ou plutôt, sont à deux niveaux. Celles entre les bras armés des deux factions sont d’excellente facture, dosant parfaitement chorégraphies et effets visuels ponctuels, mais agréables. Pourtant, les rares tentatives d’inclusion des créatures mythologiques frisent le grotesque, la faute surtout à des effets visuels qui n’arrivent pas à suivre la dimension semi-mythologique, semi-action du film et qui se content trop souvent de modélisations trop grotesques pour être justifiées par une stylisation des légendes japonaises.
Au final, difficile de trouver de réels points positifs pour un film qui n’arrive jamais à trouver ses marques entre action martiale assumée et références mythologiques présentes, mais très mal servies par les effets désastreux de CGI. De plus, le choix de faire parler les protagonistes en Anglais reste assez inexplicable face aux velléités de 47 Ronin. Un film sans prise de risque. Sans plaisir non plus.
Hypesoul.com