Quelques informations disparates m'avaient mis la puce à l'oreille : ne connaissant pas Jia Zhangke pour ses travaux non-fictionnels, ce "24 City" était présenté parfois comme un film et parfois comme un documentaire, éveillant naturellement la curiosité. En réalité il s'agit d'un long métrage qui entend très volontairement travailler à la frontière entre les deux registres en prenant le contexte de l'usine 420 à Chengdu, avec son démantèlement et sa démolition au profit de la construction d'un grand complexe d'appartements de luxe donnant au film son titre. Le film prend les allures du documentaire pour explorer les lieux, à différents niveaux, mais avance selon une dichotomie cachée : les témoignages masculins sont ceux de véritables anciens ouvriers ou habitants de la région, qui évoquent des souvenirs personnels, tandis que les témoignages féminins sont le fruit d'une écriture de fiction mise en scène, récités par des actrices professionnelles — parmi lesquelles le cinéphile reconnaît Joan Chen et Zhao Tao.


À ce moment-là les choses deviennent claires, et pas uniquement parce qu'on voit bien des actrices jouer un rôle qui ne paraît plus aussi naturel que les autres personnages précédents. Zhao Tao est un peu l'actrice fétiche qui a joué dans les films de Jia Zhangke, tous ou partie (à vérifier), et Joan Chen interprète une femme qui est censée ressembler à Joan Chen, tout en évoquant son rôle dans le petit film historique / propagande "Little Flower". Le sentiment qui se dégage à ce moment est intéressant, très personnel et subjectif en fonction du degré de conscience de ce qui est en train de se révéler. En réalisant le parti pris, on en vient à se questionner sur la nature de tout ce qui a précédé, incertain quant à la véracité documentaire des témoignages. Ce sentiment précis vaut le détour, mais par contre j'ai été assez peu impliqué globalement dans la série de témoignages s'étalant sur trois générations, qui est censée établir le portrait d'une Chine passée dans la nostalgie d'un certain socialisme. Jia passe très peu de temps du côté des ouvriers et du travail manuel (tout juste un ouvrier retrouve son ancien chef d'atelier et se trouve très ému), il décrira assez peu le contenu de cet ancien site militaire secret, le tout dans un format vidéo numérique assez peu engageant et enveloppé dans quelques poèmes qui tombent de manière un peu artificielle.

Créée

le 23 janv. 2024

Critique lue 8 fois

Morrinson

Écrit par

Critique lue 8 fois

D'autres avis sur 24 City

24 City
limma
9

Critique de 24 City par limma

Un coup de cœur avec ce métrage du réalisateur Jia Zhang-Ke, sur le constat du développement urbain et économique d'une petite ville Chengdu et de son usine, la 420, usine militaire d’État vouée à...

le 24 nov. 2018

13 j'aime

2

24 City
Moizi
7

Trahison !

Je crois que j'ai rarement été autant dupé par un film que devant 24 city. Je savais juste que ça allait parler d'une cité ouvrière transformée en appartements de luxe et qu'on allait suivre des...

le 28 août 2021

10 j'aime

3

24 City
batman1985
5

Où est la réalité? Où est la fiction?

Difficile d'exprimer un ressenti sur ce film parce que par son propos, il m'intéresse énormément, mais il se montre assez décevant dans une partie de son traitement. Jia Zhang Ke, parce qu'il va...

le 21 juil. 2012

2 j'aime

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

142 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

138 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11