Lucio Fulci est surtout connu pour ses bobines horrifiques devenues cultes au fil du temps. Et bien qu’il ait œuvré dans un peu tous les styles (la comédie, le western, le giallo, le poliziottesco…), c’est pour ses films d’horreur que les amateurs le connaissent avant tout. Frayeurs, L’Au-delà, La Maison Près du Cimetière, L’Enfer des Zombies, … autant de titres très appréciés des amateurs d’horreur made in Italia. Mais on connait moins Fulci pour les films qu’il a réalisés lorsqu’il était au creux de la vague, dans la première moitié des années 80. Parce que oui, il y a du déchet dans la filmo de Fulci. Et parce que oui, après l’heroic fantasy lowcost expérimentale surfant sur le succès de Conan le Barbare avec son Conquest (1983), Lucio a lui aussi succombé à l’appel du post-apo fauché suite aux succès du Mad Max 2 de George Miller et du New-York 1997 de John Carpenter. Le résultat n’est pas glorieux du tout, et pourtant on passe un bon moment. Contradictoire ? Pas en présence d’un nanar… Alors bienvenue dans le merveilleux monde de 2072, Les Mercenaires du Futur.


Les influences de 2072, Les Mercenaires du Futur sont nombreuses. Le film dont il est le plus proche pourrait être Rollerball (1975) Norman Jewison qu’on aurait mixé avec du Blade Runner pour les plans futuristes de Rome, 2001 L’Odyssée de l’Espace pour l’ordinateur bavard qui déraille, Star Wars pour les rayons lasers, ou encore le film français Le Prix du Danger sorti un an avant pour sa critique de la télévision. Oui, 2072 Les Mercenaires du Futur bouffe à tous les râteliers et ne cherche jamais à s’en cacher. D’entrée de jeu, une voix off nous explique que nous sommes en 2001 (du moins dans la VF). Euh… Le titre du film ne parle pas de 2072 ? Bref, c’est un détail. Nous sommes en 2001, dans un monde de violence et de cruauté… C’est la guerre des chaines de télévision qui vont elle aussi aller toujours plus dans la violence pour faire plaisir au Dieu Audience afin de lutter contre le succès massif des Soaps. Un homme d’affaire a un jour une idée : Et si on remettait au goût du jour les combats de gladiateurs dans un nouveau Colisée de Rome, avec des condamnés à mort qui seraient volontaires car les gagnants seraient graciés ? Des combats à mort où les participants seraient sur des motos customisées avec diverses épreuves renvoyant à celles, mythiques, de l’époque romaine, comme les courses de chars. Voilà, c’est là tout le propos du film, une critique du monde de la télévision, des années avant l’avènement de la téléréalité, et une critique de la violence de plus en plus présente un peu partout. Sauf qu’au départ, le budget devait être confortable. Mais lorsque Fulci arrive sur le projet, la société de production est en grosse difficulté et le budget du film s’en retrouve drastiquement réduit. Le scénario est obligé d’être revu, les ambitions également, et ça va réellement se ressentir tout le long du film, à commencer par son esthétique générale qu’on pourrait qualifier de … spéciale…


Les décors sont d’une pauvreté visible à chaque plan. Lucio Fulci cache dès qu’il le peut la misère avec des projecteurs qui font face à la caméra afin de l’aveugler et de créer un contrejour pour cacher des fonds inexistants. Quand ce n’est pas possible, c’est la nuit (pratique l’obscurité naturelle), ou alors on balance un peu de brouillard (il devait en rester de Conquest). Pour les plans de ville, on alterne entre vrais plans de Rome un peu trafiqués, ou tout simplement des maquettes futuristes en carton-pâte assez dégueulasses. Au niveau des costumes, c’est la même chose. On nage dans le kitch le plus absolu et, réellement, cette vision du futur fait peine à voir. La musique, très ancrée dans son époque, façon synthwave, aligne péniblement trois pauvres notes au bontempi. Les SFX, grattés à même la pellicule, sont tellement bon marché qu’ils en deviennent presque une expérience sensorielle à eux seuls. Fulci tente pas mal de choses visuelles, à l’instar des combats stroboscopiques à déconseiller aux épileptiques, mais sa mise en scène devient rapidement fatigante pour les yeux et le cerveau. Les scènes d’action sont tout aussi lowcost, à commencer par ces scènes de combats à moto à peine customisées, ou de ces sidecars renforcés d’aluminium histoire de donner un semblant de look post-nuke. On est dans le kitch absolu, mais pourtant elles sont parfois intéressantes en termes de mise en scène. On ne peut pas en dire autant des scènes qui mettent en place l’histoire ou les relations entre les personnes. Fulci semble s’en battre un peu la rondelle et c’est parfois filmé n’importe comment. Les acteurs sont soit mauvais, soit conscients d’être dans ce qu’ils sont et surjouent constamment des émotions ou dialogues qui partent dans tous les sens. En termes de scénario, ce n’est guère mieux. Les incohérences se comptent par paquets de 12 en rendent l’histoire encore moins crédible qu’elle ne l’était déjà. Et pourtant, croyez-le ou pas, on passe un bon moment devant 2072 Les Mercenaires du Futur. Oui, il faut être sensible à la nanardise, mais le film a ce charme des productions kitchs faites à la débrouille des années 80 et a envie d’en donner au spectateur malgré son manque d’argent. Non, ce n’est pas du grand cinéma. Non, ce n’est pas un bon film. Mais on s’amuse un peu, et c’est déjà ça.


Lucio Fulci a lui aussi versé dans le nanar avec 2072 Les Mercenaires du Futur. Bien qu’il ne fasse pas partie des meilleurs représentants du genre, c’est rythmé, tellement kitch qu’on en rigole, et les amateurs de nanars sauront apprécier le spectacle.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-2072-les-mercenaires-du-futur-de-lucio-fulci-1984/

cherycok
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le 24 avr. 2023

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