1922
5.5
1922

Film de Zak Hilditch (2017)

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"À la fin, on se fait tous attraper"

Alors qu'il imagine déjà son avenir entièrement consacré à ses champs de maïs avec son fils à ses côtés, Wilfred James, un fermier, voit ses projets contrariés par sa femme qui souhaite vendre la parcelle de terrain lui appartenant pour ouvrir une boutique de vêtements en ville. Mis au pied du mur, il ne voit pas d'autre alternative que d'inviter son épouse à un voyage sans retour au fond d'un puits pour régler le problème. Après avoir manipulé son fils Henry pour le rallier à sa cause, une nuit, Wilfred passe à l'acte. Quelques temps après, une malédiction à base de drames et de rongeurs semble s'abattre sur les membres restants de la famille James..


"À la fin, on se fait tous attraper."


Quatrième long-métrage de 2017 adapté d'une oeuvre de Stephen King après "La Tour Sombre", "Ça" et "Gerald's Game", "1922" est la transposition d'une nouvelle du recueil "Nuit noire, Étoiles mortes" dont sont déjà issus deux autres films "A Good Marriage" et "Detour Mortel".
Personnellement, bien que l'ayant lu, "1922" ne m'avait pas plus marqué que ça, le film a ravivé mes souvenirs et j'ai pu ainsi comprendre pourquoi. Cette nouvelle cumule en effet beaucoup de thèmes récurrents de l'oeuvre de King, le principal étant ces personnages qui, après avoir commis un meurtre, sombre dans une culpabilité confinant à la folie -dont on ne sait jamais si elle est réelle ou non- et qui s'incarne de manière fantastique dans un être/élément du quotidien (ici, Wilfred est obsédé par des rats qui croupissent avec le cadavre de sa femme). On peut aussi voir dans cette récurrence une inspiration et une fascination de la part de King pour "Le Coeur Révélateur" d'Edgar Allan Poe, pilier fondateur de ce genre de récit. "1922" n'est pas la première de ses nouvelles à utiliser cette thématique comme principal moteur à une intrigue et il y annexe d'ailleurs quelques autres de ses obsessions comme une figure vengeresse vectrice d'une dose de féminisme dans un milieu de mâles dominants ou encore sa passion pour les gangsters du début du vingtième siècle. Il en résulte donc un écrit plutôt bon mais dont le seuil d'originalité n'appellait pas forcément une adaptation, surtout sous la forme d'un long-métrage. C'est ce que va en quelque sorte confirmer le film de Zak Hilditch.


Déjà, il est important de préciser que le réalisateur australien (auteur de l'excellent "These Final Hours") livre une adaptation remarquable dans la filmographie très inégale des oeuvres inspirées de Stephen King. Seulement, comme on le disait plus haut, le matériau d'origine court et renvoyant à des oeuvres plus majeures de l'écrivain empêchent quelque part "1922" d'être un très grand film, il aurait été peut-être plus judicieux de l'intégrer dans un ensemble d'autres nouvelles ainsi adaptées. En l'état, on a un peu l'impression d'assister à un excellent épisode des "Contes de la Crypte" ou des "Masters of Horror", ce qui en soi est déjà un superbe compliment car, malgré ses réserves, "1922" reste avant tout une réussite.


"Le meurtre n'est pas qu'un terrible crime, c'est un péché mortel impardonnable qui prend la forme d'une malédiction."
(alors assassiner sa femme/mère n'est vraiment pas un truc à faire)


Les évènements au coeur du film nous sont contés par l'intermédiaire de la confession de Wilfred quelques années après le drame qui l'a conduit à tout perdre. De ce fait, Zak Hilditch va nous retransmettre visuellement le vécu de ce personnage en les conjuguant avec ses impressions au fil des saisons de cette terrible année : les premières images austères de la ville, le cadre idyllique et estivale de la ferme, l'automne du drame, l'hiver sans fin de la descente dans les enfers de la folie (le travail sur la photo est à souligner). Devant la caméra, il trouve une espèce d'incarnation parfaite de cet anti-héros en la personne de Thomas Jane. L'acteur, habitué de l'univers King, compose en effet de manière bluffante la personnalité plus que trouble de Wilfred, tout d'abord, par des regards furtifs où "l'homme sournois" comme il aime à l'appeler, prend peu à peu le contrôle sur cette apparence de "bon fermier" des premiers instants. En manipulant son fils pour le convaincre du bien-fondé qu'il y aurait à éliminer son épouse (et mère), le personnage franchit un début de non-retour qui trouvera une première conclusion dans la sauvagerie entourant le meurtre de sa femme, symbole de la libération de cet élément féminin et parasite à son bonheur. Le premier acte transpire donc une portée quasiment biblique qui pose les jalons du retour de bâton que va infliger son propre esprit -ou non- à Wilfred. Sous une forme cadavérique accompagnée d'une légion de rats, son épouse lui réapparaîtra pour lui rappeler sans cesse la gravité de son acte.
À partir de ce moment, le film aura l'intelligence d'utiliser l'horreur comme d'un simple instrument à son dessein de nous conter avant tout la tragédie d'un homme confronté à la culpabilité. Ses sentiments refoulés, ses pensées qu'il préfère ignorer (le destin de son fils) seront les tortures révélées par ce spectre et ses rongeurs qui ne cesseront de le poursuivre. Comme l'écrit dont il est issu,"1922" maintiendra habilement le doute entre la déchéance psychologique de l'homme et la plausible entrée du surnaturel dans sa vie (seule la conclusion diffère quelque peu), rendant toujours son propos prenant et sublimé par une réalisation définitivement à sa hauteur.


Admirablement bien mené autant par son chef d'orchestre, Zak Hilditch, que par son principal musicien, Thomas Jane, "1922" est une nouvelle excellente adaptation Netflix d'une oeuvre de Stephen King dont seules les limites du format de son matériau d'origine s'avèrent être les défauts.

RedArrow
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le 20 oct. 2017

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