Contre toute attente, ce film est une réussite qui supporte aisément un deuxième visionnage. Il montre les premiers émois amoureux de deux adolescents russes dans une grande ville qui pourrait être Moscou, mais pas forcément. Le réalisateur en profite pour proposer un tableau de l’état des lieux urbain. Ainsi, il débute son film par un gros plan sur un laveur de carreaux juché sur une nacelle. En élargissant le plan, il fait découvrir un immeuble en forme de barre, une barre gigantesque à l’image de beaucoup d’autres dans la ville. Il en montre quelques-unes sous forme de plans très courts qui suivent le rythme de la BO très rock. En quelques plans et avant même d’avoir montré ses personnages, Andreï Zaïtsev donne le ton : dans la Russie d’aujourd’hui (le film date de 2015), les jeunes générations grandissent dans un environnement où elles disposent de plus d’espaces que les précédentes (aussi bien Alex que Vika vivent dans un appartement, mais pas à plusieurs familles), mais très déshumanisé. On voit cet habitat de type HLM, on voit également la circulation très envahissante malgré la largeur des voies, sans oublier le métro. Le tout dégage une incroyable énergie que le réalisateur va retranscrire avec une belle maîtrise en montrant l’histoire d’Alex et Vika.


Alex (Gleb Kalyzhnyy) et Vika (Ulyana Vaskovich) vivent dans le même quartier. Alex vit avec sa mère, encore jeune mais séparée du père d’Alex. Elle fait son possible pour éduquer correctement son fils, ce qui donne lieu à quelques scènes réjouissantes : quand elle vient le réveiller, lui demander de ranger le fourbi qui traine constamment dans sa chambre ou bien quand elle vient lui parler des choses de la vie. Soit dit au passage, il est grand temps. Encore faudrait-il qu’il l’écoute…


Alex va au lycée. Il s’intéresse à la moto, au rock et il joue à des jeux vidéo au graphisme d’un autre âge. Et comme il a une bonne bouille, on ne s’étonne pas de constater qu’il commence sérieusement à s’intéresser aux filles. Il en côtoie au lycée, dans sa classe, mais aucune ne semble l’inspirer particulièrement. Pas plus que les cours d’ailleurs, où les enseignants ne sont pas les rois de la pédagogie.


Et puis, Alex est régulièrement dehors dans le quartier, avec ses copains. C’est là qu’il repère Vika qui se promène avec deux copines. Autant dire qu’elles sont littéralement inaccessibles, dans leurs tenues de starlettes. Pourtant, Vika a remarqué qu’Alex s’intéresse à elle.


Alex et Vika sont attirés l’un par l’autre, mais ils n’ont aucune expérience amoureuse. Le film exploite cette situation sans négliger aucun des meilleurs moments de l’initiation amoureuse. Comment s’approcher l’un de l’autre ? Fièvre de la recherche des moyens possibles. Internet fournit des informations, en même temps qu’il montre l’état d’esprit général de la jeunesse russe à l’heure de la mondialisation. La mode est à la mise en avant des apparences, à la mise en scène. Enfin, Alex a Vika face à lui, mais dans une assemblée. Il lui faudra une vraie détermination pour avancer vers elle et lui faire une demande. Demande qu’elle lui accorde du bout des lèvres. Il faut les voir ensemble, gauches et n’osant pas se regarder. Malgré tout, ce moment prend une telle importance à leurs yeux qu’ils se montreront capables un peu plus tard, dans un élan d’autodérision libérateur, de l’imiter au moment d’aborder une autre phase déterminante de leur amour.


Vêtu d’un T-shirt Superman (pour se donner du courage ?) Alex a osé montrer son intérêt en public. Conséquence, il va devoir faire face à Volkov. Volkov, c’est la génération au-dessus de celle d’Alex et Vika : un groupe de durs au crâne rasé. Ils aiment la castagne et profitent du moindre prétexte pour se défouler. Ils sont là pour rappeler à Alex (lycée 307) qu’il n’a pas le droit de s’approcher de Vika (lycée 201). Mais quand on est jeune et amoureux, on est prêt à tout affronter, même les coups.


Après l’approche réussie, les deux amoureux peuvent se côtoyer avec les groupes de copains et copines. Là, le réalisateur nous réserve quelques scènes d’une grande vitalité où les adolescents trouvent le moyen de filmer des situations vraiment hilarantes grâce à quelques trucages. Enfin, Alex et Vika auront la possibilité de se retrouver en tête-à-tête. Au niveau émotions, le curseur atteint des sommets, pour culminer au moment du premier baiser, ce que le réalisateur fait parfaitement sentir. Bref, Andreï Zaïtsev filme bien, en dosant avec beaucoup de justesse les moments d’action et d’émotion. Et il n’oublie pas la difficulté des relations parents-enfants, avec son lot d’incompréhensions, interdits, bravades, etc.


Parmi les meilleurs moments, il y a cette scène avec Vika derrière Alex sur sa mobylette. Sur son nuage, Vika a juste le temps d’observer un couple dans un bus qui avance à-côté. La femme lui jette un coup d’œil complice pour lui faire comprendre ce qui est le meilleur dans cette situation. Magnifique scène, sans le moindre dialogue, où les attitudes et échanges de regards permettent non seulement de capter le bonheur d’Alex et Vika, mais aussi de les confronter avec ce qu’ils peuvent devenir dans quelques années. C’est là que le titre donne un vrai pincement au cœur. En effet, ils sont adorables et on n’a qu’une envie, qu’ils profitent et soient heureux. Malheureusement, il y a cette mention « premier amour » dans le titre qui laisse entendre qu’il y en aura d’autres et donc que celui-ci prendra fin. Il est si beau, si émouvant, si rafraichissant, qu’on aimerait s’en contenter, sans se soucier de ce que deviendront les personnages. La génération des parents et l’ambiance générale donnent suffisamment d’indications pour qu’on puisse deviner tout ce qu’ils devront affronter au quotidien. Bref, 1h46 de magie cinématographique, presque en dehors du temps.

Electron
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le 26 avr. 2021

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