Zoc
7.3
Zoc

BD (divers) de Jade Khoo (2022)

Préadolescente à la vie plutôt banale, Zoc présente quand même une vraie particularité, puisqu’elle attire l’eau avec ses cheveux. Qualité ou défaut ? Tout dépend du point de vue. Elle voudrait se rendre utile grâce à cette capacité.


Bien qu’elle ne cherche pas à le cacher, son don a tendance à l’encombrer plus qu’autre chose et Zoc s’agace d’entendre régulièrement le même genre de réflexions. Elle risquerait des ennuis de type scoliose à force de déplacer des quantités d’eau phénoménales. En effet, si elle met ses cheveux (qu’elle arrange sous la forme d’une queue de cheval) en contact avec de l’eau, elle peut traîner ensuite derrière elle quelque chose qui ressemble à une grosse flaque ou même une rivière. On se demande d’ailleurs comment c’est possible physiquement. À vrai dire, c’est le cadet des soucis de la dessinatrice Jade Khoo, qui ne pense pas en termes de crédibilité. Avec son idée, originale, elle présente sa situation de base et avance comme Zoc, son personnage dont la principale question reste : quoi faire de son don pour se rendre utile ?


Le travail de Jade Khoo


À la base, sa spécialité de layout artist est le cinéma d’animation. Son travail l’amène à transformer un storyboard en maquette animée, avec images et textes, objet qui sert en quelque sorte d’intermédiaire avant le film lui-même. Cela se sent sur cet album (son coup d’essai dans le domaine de la BD), qu’on imagine bien adapté ensuite en film d’animation (voir son trailer animé). D’ailleurs, Jade Khoo a participé, en tant que coréalisatrice, au court métrage d’animation Colza (2020). Pour son coup d’essai dans le domaine de la BD, elle montre une belle inspiration, ainsi qu’une qualité de dessins qui fait plaisir à voir : un trait tout en arrondis, qui délimite bien les formes sans trop insister sur les détails qui nuiraient à la clarté générale. Elle se permet notamment une bonne proportion de dessins pleine page qui donnent une vraie respiration à son album et justifient un total de 160 pages. Le texte n’étant pas spécialement envahissant, l’album peut s’apprécier sans qu’on y consacre de longues heures. Et puis, Jade Khoo fait des choix de couleurs toujours agréables, même si certaines de ses planches sont trop claires à mon goût, en particulier sur des représentations de paysages. Le classement en album jeunesse serait simpliste. Ceci dit, le scénario risque de laisser les lecteurs adultes sur leur faim.


Le monde de Zoc


Il me paraît clairement enfantin, avec cette capacité à faire dériver l’imagination vers une tendance au fantastique léger. Ainsi, Zoc fait une rencontre déterminante, en la personne d’un garçon qui émerge à un moment de la quantité d’eau qu’elle traîne derrière elle. Il y a trouvé refuge pour une raison bien personnelle et parfaitement logique dans ce monde. D’ailleurs, son physique nous donne une indication. En effet, ce garçon rappelle Le Petit Prince tel que le dessinait Antoine de Saint-Exupéry. Il ne faut donc pas s’étonner de bizarreries dans le monde de Zoc qui n’a rien de cartésien. Ainsi, dès le début Zoc évoque des châtelets et on se demande s’il s’agit de petits châteaux. Pas du tout, ce sont des personnages particuliers à ce monde imaginaire.


Choix d’une activité professionnelle


Par les thèmes qu’il aborde, l’album incite à la réflexion concernant l’avenir dans lequel un.e jeune lecteur.rice se projetterait. La bonne idée sous-jacente consiste à dédramatiser cette recherche, en la plaçant dans un monde décalé. Très naturellement, Zoc cherche avant tout à se rendre utile avec son don particulier, l’aspect financier restant particulièrement accessoire. La question est quand même posée : Zoc fera-t-elle cela toute sa vie ? Cela vaut pour une réflexion concernant différents critères, quand on se cherche un avenir. Est-ce que la question de la rémunération peut rester éternellement au second plan ? Quelles seront les conséquences d’un choix sur le plan physique ? Dans son monde, Zoc peut se moquer d’une éventuelle scoliose… mais dans la vie réelle ? Enfin, un choix d’activité professionnelle peut avoir des répercussions sur le plan social. On le sent avec Zoc qui risque de devoir assumer de nombreux déplacements. Sera-t-elle suffisamment solide psychologiquement pour le supporter sur le long terme ? Et sinon, aura-t-elle des possibilités de reconversion ? On remarque que Zoc est bien seule pour ce genre d’estimations, puisque son père se contente d’apprécier qu’elle ait trouvé le moyen de s’occuper selon ses aspirations. L’avantage, c’est qu’elle ne subit aucune pression. La question est aussi posée de savoir si elle ne ferait pas que transférer un souci d’un lieu à un autre, ce qui revient à évaluer le bien-fondé de son choix. On remarque, mais très tardivement, l’absence de la mère de Zoc : impossibilité d’un soutien naturel. On sent donc le père (l’homme) un peu désarçonné par l’originalité de sa fille et son besoin de se rendre utile avec un tel don. Pour lui, que Zoc veuille sortir longtemps de la maison dans ces conditions compense le fait que sa grande sœur, elle, soit casanière. On remarque que cette grande sœur gagne sa vie avec une activité bien plus classique et rassurante pour son père. Mais il existe semble-t-il une différence d’âge conséquente entre les deux sœurs (peu évidente sur les dessins). En gros, on sent qu’à son âge, Zoc peut encore se permettre de rêver, ce qui ne sera peut-être plus vrai dans quelques années. Heureuse période de la jeunesse insouciante et rêveuse ! Un point que l’album rend parfaitement.


Critique parue initialement sur LeMagduCiné

Electron
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le 23 déc. 2022

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