Des erreurs qui cachent de bonnes promesses

VARGR n'est pas le premier comics tiré de la franchise James Bond, mais il est le premier depuis que Dynamite Comics a acquis les droits en 2015. Ce premier tome est donc l'occasion de prouver leur savoir faire et de montrer qu'ils sont à la hauteur de la saga qu'ils ont acheté.


La première chose à constater est que les meilleures intentions ont été placées dans cette adaptation de la franchise. Ou, au moins, je dois dire qu'elles me ravissent totalement. Il n'y a pas la volonté de faire du too much, de flirter avec du trop Hollywoodien, de nous montrer des filles nues par dizaines et de nous présenter un héros classique... Non, le James Bond de ce comics est celui des livres de Ian Flemming. Et ça, déjà, c'est un plaisir. Ils ont même pensé à la petite cicatrice.
Quand je dis ça, je sous-entend que James Bond n'y est pas un personnage amusant : il est calculateur, concentré, il est violent dans l'exercice de ses fonctions, il ne passe pas son temps à draguer, et on voit qu'il est intelligent et méthodique. Toutes les adaptations cinématographiques ne peuvent pas en dire autant.


Malheureusement, je dois avouer que j'ai au départ du un peu me forcer pour poursuivre ma lecture, tant celle-ci s'est avéré fastidieuse dans un premier temps. Voyez-vous, je suis assez sensible à la qualité graphique d'une oeuvre. Je n'aime pas quand c'est lisse, j'aime quand il y a une personnalité, quelque chose qui se dégage des dessins. Et malheureusement, ces dessins sont bien trop souvent lisses et sans personnalité. Ils ne sont pas spécialement mémorables. C'est vraiment un gros défaut à mes yeux car James Bond mérite sa patte visuelle, il mérite d'être reconnu, et la violence qui est dépeinte doit ressortir d'une manière intéressante.


Mais cela passe encore, c'est dérangeant mais il n'y a pas de quoi interrompre sa lecture. J'ai surtout été atterré par l'absence totale de mise en scène dans le premier chapitre. La scène d'action faisant office de "pré-générique" passait encore, même si j'y trouvais l'action difficilement lisible puisque les unités de lieux étaient mal exposées et qu'on ne comprenait pas réellement où se tenaient les personnages.
Mais la suite de ce premier chapitre, qui ne contient que le briefing de l'équipe du MI6, est réellement d'une pauvreté affligeante. Je vous laisse constater par vous même avec ces quelques cadrages que j'ai trouvé particulièrement dérangeants : http://imgur.com/a/ljCoa (regardez bien les trois images).
Je ne sais pas si vous verrez ce qui me dérange, alors je vais l'expliciter. Vous voyez cette mauvaise disposition ? Il y a beaucoup de vide dans ces cases, c'est simplement mal cadré. La première image est absurde : pourquoi tout cet espace sur la droite ? Ca peut paraître anodin, mais cette absence de science de la mise en scène renforce une grande platitude dans la lecture. On ne vit pas ce qu'on lit. On lit bêtement, on peut ne pas y faire gaffe, mais ce n'est pas stimulant. C'est pauvre. La troisième image est pour moi la pire : c'est un plan sur James Bond qui parle, et pourtant les 3/4 de l'image sont occupés par... le vide, les objets autours, etc... C'est parfois utilisé, quand les auteurs veulent montrer quelque chose dans les décors, comme par exemple de la vie aux alentours, ou des détails des accessoires constituant l'espace... Mais ici il n'y a rien. Que du vide. Et c'est franchement laid.
Il y a également, parfois, des problèmes de perspective assez énormes. Comme ici, où James Bond semble voler plutôt que courir : http://imgur.com/a/Q3Qlh


Mais heureusement, et j'ai bien fait de persévérer, à la fois le dessin et la mise en scène s'améliorent de chapitre en chapitre. Pour ceux qui ne sont pas familiers du procédé, il faut savoir que les chapitres sont publiés de manière régulière, plus ou moins au rythme d'un par mois. Il y a 6 chapitres qui constituent ce premier tome des aventures de James Bond.
Les auteurs/dessinateurs se sont manifestement améliorés avec le temps, et cela fait beaucoup de bien à la qualité de leur oeuvre. Mais néanmoins, ça l'empêche d'être homogène tant la différence est flagrante.
Regardons la même scène (plus ou moins), dessinée au chapitre 5 : http://imgur.com/a/3L0Ue
Le cadrage est de qualité, on est centré sur les bons éléments, les points de vue rapprochés sur les personnages renforcent la qualité de l'échange et la stimulation que procure le dialogue. Bref, ça s'améliore.
De manière générale, sans qu'il n'y ait jamais de case spécialement magnifiques, la qualité du dessin devient de moins en moins lisses, et la différence entre les passages "esthétiques" et ceux "normaux" est de plus en plus maigre, ce qui est une bonne chose. Un exemple de la qualité du dessin sur la fin : http://imgur.com/a/Ft7nL


Graphiquement, James Bond en comics, dessiné par Jason Masters tout du moins (car une autre série éditée par Dynamite Comics va sortir, avec un autre dessinateur), trouve une certaine identité et devient plus intéressant à parcourir.


L'histoire, quant à elle, est classique pour du James Bond mais on n'en attendait pas spécialement davantage pour une première itération. Elle a tout de même le mérite de proposer des idées intéressantes, comme un second-couteau vraiment badass dans la veine des meilleurs de la franchise.
Au delà de ça, c'est surtout le traitement du personnage de James Bond en lui-même qui donne davantage de saveur au récit. Il faut voir sa violence, elle est particulièrement intense, et sa manière d'être méthodique dans ses exécutions est... délectable. Voyez plutôt : http://imgur.com/a/SYY80
Si parfois cette violence peut être un peu cru, je trouve que c'est un parti pris intéressant de dépeindre un James Bond aussi froid et parfois aussi cruel, ne faisant jamais preuve de pitié. On ne s'attache pas vraiment au personnage, mais il impressionne et il impose, et rien que ça, c'est intéressant à suivre.


A ce titre, il est également intéressant de noter quelques choix intrigants concernant l'adaptation de la franchise. Tout d'abord, M a l'apparence physique d'un "rappeur" français, Monneypenny a l'apparence de... Non alors, pour M c'était une blague. Car en fait, dans ce comics, M est noir. Donc en fait ça fait un Black M. Lol. Haha. Bon. Je reprends.
Monneypenny ressemble à Naomie Harris, Q ressemble une version sérieuse de John Cleese, et James Bond a un look totalement nouveau qui lui va très bien.
Il y a aussi l'esquive des habituelles séquences clés de la franchise cinématographique : il n'y a pas réellement de séquence en véhicule, il n'y a pas de véritable James Bond Girl, il n'y a pas de "Bond, James Bond". C'est surprenant, et je pense qu'il aurait au moins du y avoir le "Bond, James Bond", ou le Vodka Martini, histoire d'avoir un peu d'affiliation concrète.


Néanmoins, il y a encore besoin de travailler le développement de l'intrigue. Il y a beaucoup trop de personnages pour beaucoup trop peu de pages. Beaucoup de choses passent rapidement, on ne s'attache à personne et les péripéties défilent à un rythme effréné. C'est malheureux car parfois celles-ci ne découlent pas logiquement et on a davantage l'impression qu'on en a placé un peu n'importe comment pour se débarrasser de tel bad guy introduit plus tôt.
Malgré ces défauts, heureusement, l'aventure se suit bien et encore une fois, j'ai le sentiment que celle-ci est de mieux en mieux racontée au fil des chapitres. Ce n'est jamais un chef d'oeuvre, mais c'est une aventure de James Bond sympathique à suivre.


Beaucoup d'erreurs empêchent VARGR de vraiment s'illustrer, mais la manière dont il apprend à les corriger en cours de route donne de l'espoir pour la suite de ces comics. La manière d'adapter la franchise James Bond est intéressante, elle se démarque de son homologue cinématographique, et si elle apprend à mieux construire son script alors on pourra avoir de grandes aventures imagées entre nos mains. Rendez-vous dans quelques mois quand Eidolon, le deuxième tome, sera achevé.

GagReathle
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le 8 sept. 2016

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