Vainqueurs est moins tributaire que les autres albums de la contrainte des 6 × 22 pages, et ça se voit : le rythme est fluide, avec un remarquable enchaînement de temps forts et de temps faibles, très peu de scènes d’attente, et on ne se disperse pas entre de multiples sous-intrigues. Le véritable combat, attendu depuis deux volumes et qu’il aurait peut-être fallu faire commencer à la fin du précédent – qui ne présentait finalement qu’un accrochage avant-coureur –, trouve ici son aboutissement : l’album signe le retour de l’épique.
Or, qui dit épopée dit morts : je me suis douté qu’Andrea mourrait, et naturellement que son camp gagnerait. Dans ma critique des Chuchoteurs, je signalais la présence récurrente de motifs mythiques qui n’étaient peut-être pas toujours mis en place comme tels. Ce tome en fournit encore un exemple. (Si on veut être pointilleux, c’est peut-être un motif littéraire autant que vraiment mythique.) Quand Andrea part détourner une horde de zombies, elle est équipée d’un cor de chasse. Tout lecteur de la Chanson de Roland – et même celui qui, comme moi, ne l’a jamais lue en entier – aura fait le rapprochement avec le héros sonnant en vain du cor à Roncevaux. Roland meurt, secouru trop tard, mais son camp – évidemment celui du bien… – remporte le combat.
Qui dit épopée et morts dit aussi funérailles. Mais de ce point de vue-là, on ne peut pas dire que ce soit les funérailles de Patrocle ! Qu’Andrea se fasse grignoter le cou sans passer tout de suite l’arme à gauche, soit. Que cela soit très triste, soit. Qu’elle meure héroïquement, soit… Mais quelle chialerie ! Qu’est-ce que ça traîne ! Et à quels discours lénifiants sur le sens de la vie, les choses qu’on n’a pas besoin de se dire et la nécessité de continuer donne lieu tout cela ! J’admets que j’ai beaucoup de mal à goûter ce mélange de stoïcisme, de glorification de la communauté et de sens du devoir qui dans l’idéal états-unien tient lieu d’attitude collective face à la mort.
Le moins qu’on puisse dire est que Vainqueurs adopte sur la question un recul tout relatif. On n’en attend certes pas moins – ou pas plus – du vingt-huitième volume d’un comic book grand public, mais enfin cela marque aussi les limites d’un album qui sans cela eût été très réussi, d’autant qu’il suscite l’attente. Car en une page, et très naturellement, l’arc narratif constitué par la liaison radio clandestine d’Eugene est désormais bandé un max.


Critique du tome 27 ici, du 29 .

Alcofribas
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le 14 août 2019

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Alcofribas

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