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J'avais quitté la famille Sattouf au cœur d'un vrai drame à la fin du tome 4.
Œuvre imprégnée d'humour et d'humanité, la saga se poursuit autour des membres restés en Bretagne tandis que le père a disparu en Syrie emportant avec lui le dernier frère, l'adorable petit Fadi.
C'est une maman brisée, entourée de ses deux autres fils et de ses parents bretons, qui tente par tous les moyens de récupérer son enfant. Riad Sattouf a traversé cette épreuve, comme les précédentes, les séjours difficiles en Syrie et les nombreux déménagements abruptes. Il raconte cela et on est saisi par son regard délicat et aiguisé, sur son témoignage d’enfant puis d’ado.


Un imitateur de talent
Si toute l'histoire familiale est plutôt douloureuse, abîmée par un père écartelé entre deux cultures, un père complètement dérangé, de nombreuses pages font sourire voire carrément rire. Sattouf est un imitateur de talent, les voix, les mimiques de ses personnages sont aussi vivantes que si elles étaient orales. On est dans la case, on s'y croirait. L'exaspération de sa mère, les types croisés dans la rue, ou son grand père nudiste, dans leur façon de parler et d'interagir, tous sonnent juste... avec le drôle qui côtoie le triste, c'est fort. Qu'il parvienne à faire rire sa mère ou qu'il parle de ses cheveux décidément indomptables, il est drôle !


Sattouf sait parler de l’adolescence comme personne
Le tout est vécu sur fond d'adolescence boutonneuse et s’il y a bien un domaine où Sattouf excelle, c'est celui de l'adolescence ingrate. Des journées au collège comme celles qu'on a connu, avec les beaux gosses et les complexés, les audacieux et les flippés, se succèdent pour Riad, qui doit supporter la douleur et l'inquiétude liées à l'absence de Fadi et tenir le cap, perdu dans ses complexes, rattrapé par ses fantasmes. Bon dessinateur dès le collège, il gagne un peu en popularité grâce à ce talent et navigue parmi les autres, se faisant une petite place. Générationnel à souhait avec Nirvana, Michael Jordan, et Nagui en fond sonore, les épisodes au collège sont les plus drôles, mini feuilletons de la société adolescente et reflet d'un Riad qui se cherche tout en évitant de croiser son propre regard dans le miroir.


Choc des éducations
Imprégné de sa culture syrienne, son quotidien s'entrechoque en permanence avec son éducation paternelle. Comment concilier en lui, si jeune, ses deux éducations ? Les voix culpabilisantes de ses cousins syriens, traditionalistes, apparaissent sans arrêt et résonnent douloureusement dans sa vie de jeune dessinateur.


Outre son talent de dessinateur, de portraitiste atypique, et de raconteur formidable, on peut aussi apprécier les petits apartés culturels au gré des lectures du jeune homme.
Lecteur grandissant, on partage ses découvertes littéraires et culturelles (SF, religions...) et on en apprend un peu plus encore soi-même, à travers lui, par le prisme d'un regard jeune et talentueux.


Brillantissime, trop vite lu, magnifique !


Chloé

PapierBulles
10
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le 15 janv. 2021

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