Un Pacte avec Dieu
7.8
Un Pacte avec Dieu

Comics de Will Eisner (1978)

"Qualifiez moi, si vous voulez, de témoin graphique de la vie, de la mort, des coeurs brisés et du combat incessant pour la primauté... Ou au moins la survie."
Eisner est un gosse de New York, et il choisit de revenir à la bande dessinée après son succès des années 40 Le Spirit, pour relater enfin, en 1978 et à 60 ans, la vie des "petites gens" dans les années de la Dépression. Il a élaboré des fictions basées sur ce qu'il a vécu et observé, restituant l'ambiance d'une époque, dans les quartiers pauvres de la grosse pomme. Il maintiendra cette veine réaliste dans la plupart de ses oeuvres suivantes.


Une histoire de ce recueil est consacrée à l'un de ces chanteurs de rue qui interprétaient des airs d'opéra sous les fenêtres dans l'espoir de quelques pièces ; une autre histoire s'attache à un concierge solitaire. La dernière a pour titre "Cookalein", un mot signifiant "cook alone" en mélangeant typiquement l'anglais et le yiddish, et désignant les fermes où les pauvres pouvaient s'offrir un séjour de vacances à 200 km de New York dans les Catskills, à condition de faire la popotte eux-mêmes...trois générations y coexistent, et le récit se concentre sur quelques jeunes adultes en quête d'amour ou d'un partenaire avec une situation avantageuse.


L'histoire qui donne son titre au recueil, un contrat avec dieu, fut selon les propres termes d'Eisner, sa façon d'exorciser la mort de sa fille de 16 ans, survenue 8 ans plus tôt. Dans ce récit, un rabbin qui depuis son enfance a consacré sa vie au service des autres, prend la voie du capitalisme après le décès de sa fille adoptive, événement qui brise les termes d'un pacte qu'il avait passé avec dieu dans son enfance.


Eisner indique dans son introduction au recueil The Contract With God Trilogy qu'il a choisi de présenter son oeuvre aux éditeurs (peu intéressés) comme un "roman graphique", expression qui a connu le succès quelques années plus tard.


On ne peut pas vraiment dire que son dessin soit asservi à la narration : si son style est parfois à la limite de l'esquisse ou de la caricature, il représente efficacement aussi bien les décors que les individus, qui dans la vraie vie ne ressemblent pas tous aux jeunes premiers athlétiques des comics... Sans fioritures, il va à l'essentiel, incluant tout ce qui est nécessaire pour nous permettre d'appréhender le monde qu'il recrée. Dans ses récits, la simplicité et l'honnêteté priment, et il en résulte une beauté que l'on peut considérer comme propre au medium : un dessin dynamique qui réussit à évoquer la vie avec une relative économie de traits - un visage marqué par les ans, une silhouette voûtée, un intérieur miteux, un pâté de maisons délabré... Un paysage.


Par sa mise en page adaptée au format réduit du comic , son utilisation d'un noir et blanc épuré (mais pas tant que ça étant donnée sa facilité à tout représenter), et son choix de conter les aléas des "gens normaux", Eisner se rapprochait sans le savoir du manga, et en particulier du genre réaliste gekiga.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gekiga


Pas besoin de préciser que sa lecture est obligatoire - mais s'il restait le moindre doute...

ChatonMarmot
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 25 août 2018

Critique lue 401 fois

14 j'aime

3 commentaires

ChatonMarmot

Écrit par

Critique lue 401 fois

14
3

D'autres avis sur Un Pacte avec Dieu

Un Pacte avec Dieu
EricDebarnot
9

Force émotionnelle

Eisner a toujours eu pour ambition de renouveler la forme - plutôt classique il est vrai - du Comics US, et de libérer ses récits du carcan des petites cases, et il a petit à petit développé son...

le 7 nov. 2014

6 j'aime

2

Un Pacte avec Dieu
Cabot3
6

Un roman cynique parfois sur la vie en banlieue

La disposition graphique (mise en page) et les dessins en eux-même sont plutôt bien réussi, ce qui fait que cette œuvre se lit assez bien. On croirait lire une bd franco belge, sauf que cette œuvre a...

le 18 nov. 2014

3 j'aime

Un Pacte avec Dieu
JulienQuotidien
9

Critique de Un Pacte avec Dieu par JulienQuotidien

Série de récits à longueurs variables. À la base, nous avons le même quartier new-yorkais. Et, une nouvelle fois, Eisner nous sublime par l'histoire de ces gens qui peuplent la ville. Espoir, doute,...

le 29 sept. 2011

3 j'aime

Du même critique

X-Men : Dark Phoenix
ChatonMarmot
2

Pas de cul pour le MCU

**Pinacle tragique des X-men de Chris Claremont, inaugurant une vague de débauchages anglais par l'écurie Marvel, la transformation de Jean Grey en Phénix Noir et la mort de l'Elektra du Daredevil de...

le 5 juin 2019

52 j'aime

55

Midsommar
ChatonMarmot
10

All you need is love...

Ari Aster continue d'exploser les limites du genre horrifique. Il propose un renversement de perspective, une expérience psychédélique et philosophique. Son but est de nous faire entrer dans la peau...

le 1 août 2019

42 j'aime

127

90's
ChatonMarmot
5

futurs vieux cons

Un film qui rend compte de la vie familiale et des rituels initiatiques d'un jeune garçon dans le milieu du skateboard ; ce qui sans être pour moi très captivant, m'interpelle sur un point : le...

le 31 mars 2019

29 j'aime

24