Relancée contre toute attente grâce à l’intérêt du réalisateur coréen Bong Joon-ho, auteur du multiprimé « Parasite », la saga post-apocalyptique a donc profité de l’élan provoqué par l’adaptation cinématographique sortie mondialement en 2013 (« Snowpiercer ») pour entamer l’an dernier un deuxième cycle baptisé « Extinctions » et inauguré l’an dernier. En 2020, c’est sur Netflix que l’on peut découvrir la série TV, signée de Josh Friedman.


Elaboré un peu à la manière d’un documentaire, le tome introductif de la BD nous faisait remonter aux origines du cataclysme qui plongea la Terre dans un hiver nucléaire, montrant comment l’Homme, de méfaits en forfaits contre Dame Nature, se rapprochait inéluctablement du pire sous l’action conjuguée d’un groupe d’écoterroristes. Dans cet acte 2, le lecteur suit un père et son fils, apparus dans le premier volet, dans leur périple pour atteindre la gare d’une petite ville mexicaine, où selon les plans d’origine, une escale du transperceneige est prévue, seule planche de salut pour ces deux survivants. Ils seront bientôt rejoints par Sophie, une jeune femme cherchant à fuir ses poursuivants animés des plus mauvaises intentions.


De façon assez classique, le scénario de Matz et Rochette oscille entre le documentaire et le récit d’aventures. Parallèlement aux trois personnages précités, on observe le parcours du super-train de capitale en capitale, un « train-ville » que son créateur, un richissime Chinois, a conçu comme une arche de Noé, destinée à recueillir un échantillon d’humanité en prévision de la catastrophe annoncée. Et de façon peu surprenante, les gares où doit passer le transperceneige sont devenues des foires d’empoigne où on n’hésitera pas à tuer son prochain pour lui voler le précieux billet, laissant augurer du pire pour la suite…


Par rapport à l’histoire originelle (Le Transperceneige), le trait de Rochette est devenu plus charbonneux, plus acéré, empreint d’un quasi-minimalisme qui reflète bien la désolation du monde après l’apocalypse. Chaque capitale, chaque site célèbre traversé par le train est présenté comme la relique d’une époque révolue, où la vie semble avoir disparu. Triste collection de cartes postales d’une planète sépulcrale. La mise en couleurs d’Isabelle Merlet renforce cette impression de dévastation, par laquelle les rares teintes se confondent sous un voile terne et grisâtre, contrairement à l’opus précédent plus coloré. Le fameux train n’apparaît quant à lui que comme une silhouette fantomatique fonçant à tombeau ouvert à travers les étendues glacées.


En définitive, la lecture reste un peu froide, et les personnages, d’une psychologie assez succincte et dont on ne fait que deviner les traits sous des hachures sombres, génèrent un sentiment de déshumanisation. Toujours sous-tendu par une dénonciation des inégalités post-Trente Glorieuses, ce « Transperceneige » actualisé reflète plutôt bien l’époque où la prise de conscience écologique montante semble paradoxalement impuissante à empêcher le monde de glisser chaque jour un peu plus vers son effondrement, tel un train roulant à pleine vitesse et sans freins. Un constat amer et pessimiste sur la nature humaine où ne perce pas la lumière, même lorsqu’il est question de préparer le monde d’après. Et il ne fait guère de doute que le troisième volet de cette trilogie n’en modifiera guère le propos puisqu’il doit faire la jonction avec le premier tome de la série d’origine.

LaurentProudhon
7
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le 5 août 2020

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