Seul contre tous

C'était après avoir regardé la série animé Les aventures de Tintin, que je réclamai le 20e tome de la saga. Tintin au Tibet fut ma première bande dessiné. Je devais avoir 7 ans tout au plus. J’ai finalement peu de souvenirs de cette première lecture. Je lisais que brièvement les bulles et j’observais les cases de la BD. J'avais été touché par l'amitié de Tintin pour Tchang, l'un venant de Belgique l'autre de Chine, qui se retrouvent perdus au cœur des montagnes enneigées. J'étais porté par la motivation de Tintin qui entendait Tchang à travers la chaîne de montagnes : la voix de son ami lointaine appelait à l'aide. Je reconstituais mentalement le son de l'épisode par la lecture : le cri de Tchang.

Et puis j'ai grandi, et j'ai relu Tintin au Tibet.

Outre ses qualités graphiques certaines et implacables que j'ai apprécié en grandissant, je trouve que ce volume dénote dans l’oeuvre de Hergé. La croyance inébranlable de Tintin incarne quelque chose de vertigineux et spirituel. Tchang, perdu dans l’immensité, enseveli quelque part derrière ces couches de neige devient invisible et omniprésent. Il est peut-être mort. Je dirais même plus, il est sûrement mort. Mais je suis touché par l'espoir de Tintin.

Tintin est habité par la foi, il croit que son ami est vivant et qu’il a survécu au crash aérien. Ce n'est pourtant pas un refus de deuil : touché par des visions divines, Tintin croit, et seul contre tous, il s’en va à la recherche de son ami.

C’est l’espoir qui fait monter Tintin, c’est le désespoir qu’affronte Tintin en grimpant. Plus il monte, plus la difficulté se déploie et la dépression s’installe. Il est seul avec sa foi, incarné par la neige menaçante et envahissante.

Peut-être est-ce Hergé qui se perd lui aussi avec son personnage qui est poussé à l'abandon ? La neige est terrible, elle rappelle le froid et le fait que nos empreintes disparaissent après la moindre tempête. Comme notre vie qui disparait derrière nous et qui devient un souvenir lointain.

Il faut affronter la vie, il ne reste qu’à faire l’ascension ; le remède est au sommet, inaccessible.