Un jour j'arriverais à une séance de dédicace de Mark Millar et au moment où il me demandera "c'est pour quoi ?" Je lui collerais une énorme baffe et lui dirai "tu l'as pas vu venir celle là, hein ?" Juste histoire qu'il connaisse une histoire où les personnages n'ont pas calculés tous les événements à l'avance. (Rassurez-vous, c'est une métaphore, je n'ai pas vraiment envie de frapper les gens, encore moins après avoir fait la file d'attente pour les dédicaces.)
Auréolé d'un vernis culte, Superman Red Son part sur une idée de base franchement intéressante : et si le vaisseau qui transportait Superman était tombé dans l'URSS au lieu de tomber aux États Unis ? Et si le kryptonien au lieu de porter les fières valeurs de l'Amérique avait porté les fières valeurs du communisme ? La question était intéressante et ne sera exploré à peine que durant le tiers de ce Superman : Red Son.
J'ai déchanté dès la préface lorsque Tom Desanto dit "Plus qu'un Livre, ce Graphic Novel est un véritable film." (Évidemment, c'est préfacé par un scénariste et producteur, donc pour lui un "film" c'est un compliment. Mais c'est assez méprisant, tant ça rappelle la remarque "houlala, ces petites images dessinées c'est quand même pas très sérieux tout".... Merde, demandez à des gens compétent d'écrire des préfaces qui n'insulteront pas le média que t'es en train de lire.) Et la seconde c'est "Mark Millar n'est pas un scénariste ordinaire et il semble que sa couleur préféré est le gris."
J'ai repris la bd et lu sur la couv'. Ha merde, c'est Mark Millar. L'auteur de Kick Ass, celui qui se sent obligé de foutre des meurtres gratos partout, d'avoir des dialogues faussement badass ou des méchants mal-écrits. Je me suis consolé en me disant que c'était le Mark Millar des débuts et que cette bd était peut-être exempte des défauts d'écriture de Millar.
Et.. c'était un peu ça durant le premier tiers, où la bd respecte sa promesse de base : on voit un Superman communiste qui inquiète les USA, on a des USA représentés par Lex Luthor, quelques personnages qui sont transposés de l'autre côté de l'échiquier politique. Il y a une réiconisation de ce qui fait superman (il ne sauve plus des citoyens de Metropolis mais des prolétaires russes.) C'est assez intéressant à lire, surtout que ça pose la question "le Marxisme est-il possible dans un monde où un sur-humain existe ?" (Dans le sens où tous les humains sont censés être égaux.) Il y a des renvois à des personnages de D.C. Comics mais comme ça reste des héros assez connus le lecteur occasionnel n'est pas perdus non plus.
Et puis, ça se barre en couille dès la seconde partie. Bon, il y a certes un batman russe et anti-superman qui devient l'icône de l'anarchie, mais ça tombe très vite dans les travers du "ces personnages pensent plus vite que le lecteur, du coup ils ont 50 coup d'avance les uns avant les autres." Et ça se complait très vite dans les coup d'éclats tous plus tordus les uns que les autres.
Et puis la troisième partie, c'est en dessous de tout. Le comic-book étant finalement devenu une bataille entre deux dictateur hyper-intelligent qui se tirent la bourre à coup de trucs plus gros les uns que les autres (je t'envoie des Amazone sur la gueule, toi tu m'envoie la légion de green lantern) et Mark Millar passe son temps à flatter son égo à coup de "hé, t'as vu à quel point je suis malin ?" D'ailleurs c'est sûr que les héros sont intelligents : ils jouent aux échecs.
Et à la fin, c'est Luthor qui gagne parce qu'il avait TOUT PLANIFIÉ DEPUIS 40 ANS ! C'est le même ressort que cet étron fumant qu'est Nemesis. C'est quand même cool que dans l'intro on nous ai dit qu'avec "un autre scénariste, la bd aurait été bêtement pro-américaine" quand elle se finit sur la victoire des USA qui a imposé son mode de vie sur la Terre. Y a une dernière pirouette cosmique histoire de faire un dernier twist (sans intérêt) et basta. (Sans oublier que qualifier l'Ukraine comme étant "une région de la Russie" rétrospectivement, en 2022, ça fait mal.)
Tout ce potentiel gâché pour un scénario aussi crétin. Si vous voulez voir du Superman qui devient une sorte de divinité omnipotente, lisez plutôt Suprême qui est franchement plus fin. Quant à moi, on m'y reprendra plus c'est la dernière fois que je lis du Mark Millar.
PS : Tout en postant cette bd sur le site, je suis tombé sur cette critique qui explique que Red Son est une sorte de Watchmen en mal écrit. C'est pas bête, effectivement, il y a de ça.