Ce tome fait suite à Imbattable - Tome 1 - Justice et légumes frais (2017) qu’il n’est pas indispensable d’avoir lu avant, mais ce serait dommage de s’en priver. Il regroupe onze gags dont quatre en une page, initialement parus dans le journal de Spirou. La parution originale de cet album date de 2018. Les histoires ont été réalisées par Pascal Jousselin pour le scénario et les dessins, les couleurs ont été réalisées par Laurence Croix. Il contient quarante-deux pages de bande dessinée.


Imbattable regroupe tranquillement ses feuilles en tas dans son jardin, avec son râteau à feuille. Une vielle dame passe devant sa clôture et lui fait un geste de la main. Un voleur à la tire passe à fond en scooter, et arrache le sac à main de la passante. Celle-ci se rattrape à la barre de la clôture pour éviter de tomber, et Imbattable passe nonchalamment à l’action, avec un succès total. Imbattable revient de chez le boulanger avec sa baguette sous le bras, en sifflotant. Il entend un enfant pleurer dans un jardin partagé où poussent des laitues. Il s’approche de lui pour le consoler, mais l’enfant se retourne dévoilant sa véritable identité : c’est le savant fou et les mains d’un robot géant sortent de terre. Elles enserrent Imbattable, l’empêchant de bouger. Le savant fou jubile : cette fois son ennemi est vaincu. En effet il a bien repensé à tous leurs affrontements et il a remarqué une chose. Les téléportations, les voyages dans le temps du superhéros, tous ses trucs bizarres, il les fait en sautant en l’air, sur le côté, ou en jetant des objets, c’est-à-dire en bougeant. Il suffisait donc de l’immobiliser pour qu’Imbattable ne puisse plus utiliser ses pouvoirs. Le jardinier intervient, alarmé de voir l’état de son cabanon, de ses salades.


Imbattable est en train de passer l’aspirateur chez lui : maladroit il fait tomber un vase de sa table d’agrément. Fort heureusement, depuis la case de la bande du dessous, Imbattable envoie un coussin qui vient se placer juste sous le vase en train de tomber dans la bande de cases au-dessus. Le retour de plaisantin : dans la prison haute sécurité de la ville, deux gardiens sont devant les moniteurs de contrôle relayant les images des cellules. En grand, l’image de Plaisantin se morfondant dans la sienne, une entrave métallique autour de la cheville, avec une chaîne scellée dans le mur. Plaisantin passe la tête à travers le mur et il récupère un outil : une pioche. Il peut ainsi casser un maillon de la chaîne, retrouver sa liberté de mouvement, et passer au travers de la page vers la suivante. Les deux gardiens ont tout vu sur le moniteur. Ils se sont précipités dans la cellule, mais arrivent trop tard : Plaisantin s’est échappé ! Arrêté à un feu rouge par des travaux, le commandant Dacier attend : son téléphone sonne et un policier lui annonce l’évasion. Il s’énerve et appelle Imbattable pour requérir son aide. Enfant, Imbattable effectue une randonnée en montagne, avec ses parents. Il utilise ses pouvoirs pour les rejoindre au sommet.


Le premier gag permet au lecteur de se remettre en tête le superpouvoir si extraordinaire d’Imbattable, le seul véritable superhéros de bande dessinée, ou de le découvrir de manière très claire s’il n’a pas lu le premier tome. Onze histoires dans ce tome, pour vingt-et-une dans le premier : il n’y a que quatre gags en une page, deux en deux pages, un en trois pages et un en quatre. Les trois autres comportent respectivement six, sept et quinze pages. La narration visuelle se situe dans la continuité directe de celle du premier tome : héritée de la ligne claire, avec des aplats des couleurs, des bordures de cases bien droites. Il s’agit de dessins tout public, avec une petite touche comique. Imbattable lui-même a conservé cette silhouette improbable : court sur patte, un tronc en forme de barrique un peu ronde, et il porte tout le temps son costume composé d’un sweatshirt jaune avec son logo en forme de I avec un point, un masque qui lui couvre la partie supérieure du visage et qu’il ne retire jamais, des gants orange, un collant de la même couleur avec un short noir par-dessus, et des chaussures de catcheur, sans oublier sa cape noire riquiqui. L’allure des autres personnages comprend également des caractéristiques qui leur donnent un air gentil, ou de méchant d’opérette pour les criminels : souvent un nez d’une longueur improbable, des expressions de visage exagérées pour être plus expressives comme s’ils éprouvaient les émotions avec l’intensité propre aux enfants, des gestes et des postures évoquant également plus l’enfance que le comportement plus mesuré des adultes. La simplicité de leur tenue participe de cette impression, ce qui n’empêche pas une réelle variété : teeshirt et pantalon de sport pour le voleur à la tire, manteau ample pour la vieille dame, jean et blouson en cuir pour le commandant Dacier, tenue orange pour Plaisantin en prison, joli tablier rose à fleurs blanches pour son homme de main, uniforme des gardiens de prison différent de celui du gendarme Jean-Pierre, bleu de travail pour le conducteur de bulldozer, pull blanc à rayures blanches pour la maman du président des États-Unis, béret et gilet pour Pépé Cochonnet, etc.


Évidemment, le lecteur est revenu pour les manifestations de superpouvoirs : comment tordre les conventions de la page d’une bande dessinée pour réaliser des actions impossibles, faire naître des paradoxes spatio-temporels, maltraiter la compréhension de certains personnages jusqu’à faire apparaître certaines actions magiques, renverser la relation de cause et conséquence, tout en respectant rigoureusement la logique interne des mécanismes qui permettent ainsi de défier les lois de la réalité. Le lecteur retrouve ainsi les interventions d’Imbattable, personnage conscient de la forme narrative et intervenant d’une case à l’autre, ou bien d’une bande à l’autre. Il retrouve également Pépé Cochonnet et son pouvoir fonctionnant sur le langage et sur la forme qu’il prend dans une bande dessinée, ainsi que Toudi (2D-Boy) et son pouvoir fonctionnant sur le principe de la perspective. C’est un vrai plaisir de voir comment l’auteur s’amuse avec la succession des cases dans une bande, avec les possibilités d’interaction entre deux bandes contigües, ou deux bandes dos à dos pour Plaisantin, avec les conventions de représentation de la perspective et avec les phylactères. Le pouvoir de Plaisantin incite le lecteur à revenir à la page précédente pour bien saisir l’enchaînement des actions.


Le lecteur l’espérait, et l’auteur ne le déçoit pas : d’autres personnages avec un nouveau superpouvoir interviennent dans ces histoires. Le scénariste sait ne pas en abuser, leur consacrant généralement une histoire à chacun. La première est une jeune femme se promenant dans un jardin public dans La mystérieuse dame (quatre pages), et le lecteur s’y reprend à plusieurs fois constater la logique à l’œuvre, un très bel exercice de haute voltige. Dans la suivante, le savant fou invente une machine tordant le fonctionnement de l’ombre projetée. Imbattable doit encore calmer Chromaline, puis renvoyer un extraterrestre d’où il vient, chacun disposant d’un pouvoir à l’ampleur considérable. Par comparaison, Imbattable est amené à séjourner à New York, en compagnie de Pépé Cochonnet, de Toudi et Jean-Pierre. Ils passent par une chambre d’hôpital où sont alités Sauterelle-Boy, Pipistrelle et l’Homme Éclair, des superhéros bien américains évoquant des équivalents de la Justice League : leurs pouvoirs semblent bien falots comparés à ceux des super-héros de bande dessinée. Cette inventivité dans l’usage de ces pouvoirs extraordinaires débouche même une page se dépliant pour raconter deux réalités différentes en simultané.


Le lecteur se focalise tout naturellement sur le détournement des conventions de la planche d’une bande dessinée, son attention en éveil pour suivre l’inventivité de l’auteur. Son horizon d’attente est comblé : alors qu’il aurait pu croire que ces astuces étaient assez limitées, il découvre qu’il n’en est rien, et que ce jeu sur les causes et effets, sur le temps représenté de manière spatiale dans la bande dessinée, génèrent une forme de poésie libératrice. Finalement avec un peu d’inventivité, Imbattable se sort de toutes les situations, souvent avec l’aide de ses amis, plus que ça, ce super-héros est foncièrement bienveillant et très astucieux, d’un calme inébranlable, un beau modèle à suivre. Au fil des histoires, le lecteur relève également quelques thèmes plus adultes. Le premier est un classique renvoyant à l’adage de Ben Parker, formulé un peu différemment : avoir un super-pouvoir, c’est un grand privilège, il convient de ne pas s’en servir pour une raison mesquine. À cette occasion, le lecteur relève que pour autant les parents d’Imbattable ne lui adressent aucun reproche. Lors de l’histoire avec Chromaline, la maman du président des États-Unis fait la leçon à son fils en lui disant que quand une personne ne veut pas faire quelque chose, on ne la force pas comme un voyou. La dernière histoire avec un extraterrestre tout vert au pouvoir toujours plus improbable débouche sur un constat encore plus adulte : le grand néant fait partie de la vie, c’est comme ça, il faut faire avec ; sans grand néant, on n’existerait pas.


Impossible de résister à l’attrait de la dimension ludique des superpouvoirs d’Imbattable et de ses compagnons ou ennemis. L’auteur contente le lecteur au-delà de ses espérances, avec des inventions formidables, et une narration visuelle simple et imparable, du grand art. Le lecteur adulte relève également quelques valeurs morales, discrètement présentes dans la manière dont le héros se comporte, et à quelques occasions dans le cours naturel d’une aventure.

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le 15 juil. 2023

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