Sous un rayon de soleil est un manga en trois tomes de Tsukasa Hojo. Sa version française a été éditée en 1997 par Tonkham. J'ai eu ces trois tomes d'occasion, ils sont dans un petit format et sont dans le sens de lecture japonais. En revanche, il y a eu à quelques reprises un petit souci avec la bordure des pages. Parfois, mais rarement, le texte français n'est pas entier dans la page, il y a des lettres qui se sont perdues dans le vide... En tout cas, ce problème concerne la page 33. Au bord de la page, de la bulle, on peut lire le texte tronqué suivant :


(je ressens...)
[...]e émotion
[...]ès puis-
[...]nte qui
[...]mplifie
...


On rétablit aisément ce qu'il manque : "[un]e émotion [tr]ès puis[sa]nte qui [s'a]mplifie..."


Mais parlons du manga.
Chaque tome a son titre propre, c'est une histoire en trois actes : "La Petite fille et la fée des arbres", "Impressions de déjà vu sous un soleil d'automne", "Coeur et âme".


Je suis en pleine relecture de ce manga. Je vais compléter ma critique au fur et à mesure, je commence par le premier volume.


Ce manga confirme que Tsukasa Hojo a un vrai cœur d'artichaut. Cela est sensible dans City Hunter et dans les manières un peu bébé de l'héroïne dans l'animé Angel Heart que j'ai regardé à défaut de pouvoir m'acheter les tomes de la bande dessinée originale. L'animé Angel Heart, et je ne pense pas que ce soit un pur effet de la version française, a quelque chose de mièvre. Il y a un côté régressif infantile parfois, même si cela reste très bon. Les lecteurs pourraient être tentés d'en penser autant de ce manga où les héros sont des enfants de l'école primaire avec tous ces petits discours édifiants sur la vie bienveillante de la Nature. Pourtant, on ne ressent pas du tout la mièvrerie dans Sous un rayon de soleil. C'est une sorte de conte pour enfants, mais il est très profond, très réussi, et tous les adultes peuvent s'y retrouver. Hojo se dépasse toujours autant dans la manière de dessiner les femmes, adultes (Mizuki Kawashima page 167) ou enfantes. L'héroïne a droit à une série de portraits exceptionnels : le charme de la future femme dans un petit bout : elle est iconique une main sur la cabine du camion, l'autre au fond de la poche de la salopette, page 11, avec déjà les longs cheveux et le regard rêveur, profond et pénétrant, ce qui enchaîne page 12 avec un gros plan sur le regard d'indignation. Je ne peux tous les citer. Il y en a un impressionnant page 51 avec un pot de fleurs dans les mains, des yeux grands ouverts, une mâchoire serrée de petites dents d'un corps qui doit encore grandir, et le côté divin de cette coiffure sans ordre. En vis-à-vis, au bas de la page 50, un autre dessin pas mal non plus qui fait très femme. Et sur la page 51, une image de dos affectionnée par le mangaka où l'héroïne court avec le déploiement ample des épaules, la jambe bien arrière, la hanche qui tourne aussi, et cela dans les vêtements à l'aise, un peu amples, l'énorme sorte de pantoufle au pied, mais dans le charme athlétique de la jeunesse pleine de vie. Page 53, la position confortable dans un arbre en pleine page introductrice de chapitre. La pureté que respire le visage page 80 qui dit en se retournant en arrière "A ce soir, Papa !" Et cela dans la feinte, puisqu'elle cherche à désobéir en douce et rit plutôt de sa dissimulation qui, elle l'espère, va réussir. On adore aussi ses frimousses quand elle fait avouer ses sentiments à une timide Konishi page 88, le dessin détaillé avec les yeux qui louchent en regardant de trop près celle qui est scrutée et questionnée, puis ceux moins détaillés de la satisfaction émoustillée. Il y a bien sûr aussi très symbolique du manga le dessin de pleine page 147 pour lancer le chapitre 6, l'héroïne assise par terre au pied de l'arbre, le cul par terre en salopette, les jambes étendues. Je suis loin de commenter tous les portraits du visage qui sont marquants, plusieurs sont communs aux autres mangas de l'auteur par ailleurs. Toutefois, je voudrais dire quelque chose de différent sur l'art du dessinateur Tsukasa Hojo et ce manga permet justement de le faire. Une caractéristique fondamentale de celui-ci, c'est les dessins des yeux, du regard. Il est naturel déjà d'apprécier l'expression d'un regard dans un dessin d'un tel maître, mais il faut aussi voir combien les regards sont présents, comment ils s'enchaînent de case en case. On peut jouer à les compter sur une page, ou sur deux pages que nous avons en vis-à-vis. On peut ainsi voir le regard d'un personnage qui évolue, ou bien on peut comparer les regards de deux personnages différents, et on peut voir comment ces regards interagissent, comment ils créent du rythme dans le récit, comment aussi ils font rentrer dans les âmes des héros et permettent aux lecteurs de ne pas rester à la surface du récit. C'est un art très efficace qui doit déjà bien agir sur le lecteur sans que celui-ci s'en rende compte, mais si on se rend compte du procédé on se nourrit plus vivement de cette précieuse ressource narrative. Je ne peux pas commenter chacune des 170 à 180 pages de dessins du premier tome. Je vais faire une petite sélection. Et je vais parler des pages par deux en considérant que la page de gauche et la page de droite nous les avons en même temps sous nos yeux de lecteur. Pages 18-19 : tout en bas de la page 19, on a une petite case de gros plan de la soeur du principal héros masculin de l'histoire, elle a le regard abattu qui tire vers le bas et fuit donc le manga, elle en sort directement, puisqu'elle est en bas de la page. En haut de la page 19, encore un plus gros plan, avec un angle différent, comme si nous approchions en nous mettant plus bas que la fille. La bouche s'ouvre, les yeux sont plus rêveurs et moins ouverts, ils ont aussi l'air de regarder la page 18. Page 19, le regard regardait ailleurs, page 18 on intériorise plus la souffrance avec laquelle on lutte. Mais il y a tout un parallélisme aussi avec le regard du frère que la fille ne voit pas mais qui l'observe, il a sa case en bas de page 18 à droite avec le même regard grand ouvert pour voir l'extérieur que sa soeur, sauf que là il surprend qu'elle rumine négativement. Haut de la page 19 : il a aussi sa case sur la droite, on ne lui voit qu'un seul oeil et comme sa soeur on voit le regard se plisser dans la réflexion intérieure sur les problèmes. Ces deux regards qui se plissent introduisent le bas de la page 19 : le souvenir du drame. Et précisons qu'en bas de la précédente page 17, on a le regard grand ouvert plein de vie de la nouvelle venue, et au bas de la page 19 on a le visage souriant équivalent de la soeur, mais celui du passé avant le drame, et les yeux fermés d'insouciance heureuse.
Je tourne les pages et je renonce à expliquer énormément de choses que je perçois dans la composition, car il faut sans doute rester simple pour en parler, mais chaque page il y a des tonnes de choses à percevoir sur les regards. Une fois qu'on le sait, on s'en rend compte. Combien de pages sont des gros plans sur les regards ? C'est une déferlante. Il y a bien sûr la pleine page d'introduction du chapitre 5 avec deux reflets de l'héroïne dans les lunettes de son papa qu'elle fixe précisément du regard, et donc c'est aussi le lecteur qui est fixé intensément. Le motif du regard est sollicité bien évidemment quand le héros croit que cette nouvelle fille de son âge se transforme soudain en adulte en parlant avec maturité pages 66-69 et page 70 il y a un habile traitement du regard de l'héroïne entre le garçon de son âge et le professeur qui reconnaît quelqu'un du passé. Puis, page 71, on a le jeu de champ et contre-champ avec le découpage de trois gros plans qui créent un rythme et raconte quelque chose : les jmabes qui fuient et la jupe qui se soulève, le pervers qui voit, l'appareil photo dont sa main se saisit comme instinctivement. Page 75, dans une situation où certains personnages sont plus mal à l'aise, on a un jeu qui consiste à écraser plusieurs regards avec un renforcement car les lignes des cases sont multipliées par les lignes des murs du bâtiment et les contours des fenêtres, et on a deux fois le regard du professeur humilié et qui observe en se cachant, mais aussi le pète musclé caché dans le couloir, tête baissée et lunettes noirs qui transpire. Pages 75-76, on a un très bel effet de reprise : sur la page 75, un grand dessin où on voit la photo de l'héroïne il y a sept ans, et sur la page 76, on a quatre cases étroites étirées et un dessin plus grand en bas de page. Or, la quatrième case reprend une partie du dessin de la photographie montrée à la page 75 en surlignant le regard de l'héroïne, et la bande au-dessus on a le regard stupéfait du professeur devant cette photo. Les pages qui suivent sur la fille timide sont évidemment l'occasion aussi de tirer un parti narratif des cases révélant les regards, leurs positions, leurs mouvements, etc. Parfois, certaines cases correspondent à un séquença rythmique cinématographique, procédé du manga japonais qui ne correspond pas aux habitudes de la bande dessinée française, belge, américaine... Page 103, deux cases l'une sur l'autre où on a deux versions différentes du regard du garçon à un instant près. Le regard scrute la photo abattu, puis une idée germe, le regard monte vers le plafond. Pages 114-115 : on a aussi droit à des images décomposant des instants très courts d'absorption dans la contemplation. Le garçon ne bouge pas, mais on a deux cases sur son visage qui crée un rythme, car la fille disparaît, on se concentre sur lui et ce qu'il regarde On assiste vraiment au passage d'une idée à une autre sans que le héros ne bouge. Page 124, on a trois médaillons sur les visages et les regards de trois enfants, lors des adieux de Konishi. Il y aurait énormément de choses à dire sur les cases qui jouent à montrer les regards l'un sur l'autre du garçon et de l'héroïne principale. Cela fourmille de cases où un passe d'un regard à l'autre, puis on revient sur le premier regard, et on voit les variations, puis on joue sur les positions, les regards en biais. C'est un catalogue de manières de regarder ce manga !
On retrouve plein de caractéristiques de la manière de Hojo. On retrouve aussi cet ancien art du manga japonais des dessins de personnages en-dehors des limites des cases avec des liaisons entre dessins, avec aussi l'héroïne en chapeau qui se plaint de la chaleur et le dessin du dessin dans lequel son visage entre de force représente l'éblouissement du soleil. Les cases sont bien rectangulaires, mais varient tout le temps de forme également.
La suite, demain !

davidson
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le 29 oct. 2020

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davidson

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