Il y a plusieurs années de cela, le docteur Moses Lwanga subit un puissant traumatisme qui se réveilla à son retour en Ouganda. Plongé au cœur de la violence des combats, le pacifiste convaincu se transforma en une machine de guerre impitoyable, semant la mort sur son passage. Plus il avance depuis sur le sentier de la guerre, plus Moses prend conscience des liens entre la voix du guerrier qui guide chacun de ses massacres et la légende d’un Soldat Inconnu qui aurait existé il y a plusieurs décennies (contient les épisodes #19 à 25).

A la fin du tome #3 du Soldat Inconnu, je me posais beaucoup de questions, notamment sur le fait de savoir comment Joshua Dysart allait nous expliquer les différences de personnalités au sein d’un même personnage : Moses Lwanga. Et je me demandais aussi comment cela allait finir. Il n’y avait qu’une fin possible et j’avais peur que Dysart n’aille pas en ce sens. Mais au final, avais-je vraiment besoin de me poser ces questions ? Tant Joshua Dysart nous prouve depuis le début de sa série qu’il en maîtrise absolument tout du début à la fin. Et bien je non, ces questions étaient inutiles, Dysart nous livre un final palpitant, allant là où il doit aller, même si durant toute la lecture on espère autre chose pour notre antihéros, même si l’on sait que ce n’est pas possible.

Avant de commencer, un petit mot sur le chapitre #20. Une véritable petite merveille, où la narratrice n’est autre qu’une Kalachnikov ! Et pas n’importe laquelle… On suit cette arme destructrice et de mort de sa création, à travers les morts qu’elle sème jusqu’à… Excellent épisode, bien imaginé, extrêmement original, où Dysart nous montre avec effroi une terrible réalité : celle des armes à feu, les chiffres sont édifiant. Et l’on prend un certain temps de recul pour réaliser.

Bien, il s’agit donc du dernier tome du Soldat Inconnu, et l’on sait, on se doute avant d’entamer cette lecture que Moses Lwanga se dirige vers son baroud d’honneur. Mais avant le grand final face à Joseph Kony, Dysart ne pouvait pas ne pas organiser un dernier échange entre Sera Lwanga et son mari. Echange bouleversant, qui aura surtout pour but de permettre à Sera de revivre et d’honorer le nom de son mari, mort depuis bien longtemps.

L’autre point que Dysart devait impérativement éclaircir avant son grand final, c’était de nous fournir des explications sur ce qui arrive à Moses ! Et j’avoue que je n’avais rien vu venir ! J’étais à des lieux d’imaginer une telle explication, qui au final s’avère plus que crédible. Bonne chose pour Sera Lwanga de ne pas être au courant, réaliser que son mari n’a jamais existé aurait été une vérité trop dure. C’est également le moyen pour Joshua Dysart de taper sur les gouvernements et les armées des pays soi-disant « civilisés » qui agissent sous couvert d’œuvrer pour la paix, pour effectuer des crimes peut-être encore plus horribles que deux africains qui se foutent dessus avec des armes d’occidentaux ! Et qui surtout ne se soucient absolument pas de ses soldats qui ne sont au final que du simple bétail dont on peut disposer comme bon nous semble.
Toute cette partie, qui nous fait tout comprendre sur Moses Lwanga, est aussi l’occasion de faire le lien entre l’œuvre de Dysart et le Soldat Inconnu de Robert Kanigher et Joe Kubert !

Puis le moment du grand final arrive enfin. Le Soldat Inconnu se retrouvant enfin face à Joseph Kony. Joshua Dysart va même être très méchant avec nos nerfs, nous proposant une première fin absolument utopique avant de nous mettre face à l’horreur et à ce que nous savions tous depuis le début.

Le Soldat Inconnu reste un personnage de fiction au cœur d’un conflit tellement réel, face à un ennemi bien vivant parmi nous. Et c’est à la fin du tome, lorsque Dysart nous explique ce que les « vrais » personnages de son récit sont devenus par la suite que l’on réalise que Joseph Kony agit vraiment de la sorte. Que l’œuvre de Dysart et Ponticelli n’est qu’une petite fenêtre entre-ouverte sur ce qu’il se passe réellement là-bas, pendant que j’écris, pendant que vous me lisez. Difficile de se dire que l’on se prend la tête car on n’arrive pas à trouver des cadeaux de Noël pour tous nos proches alors qu’au même moment des hommes comme Kony forcent un enfant à tuer ses parents pour le faire rentrer dans ses rangs ! Mais ne nous voilons pas la face, là plupart d’entre nous vont y réfléchir quelques instants avant de retourner à notre train-train quotidien.
Dysart a donc réussit son pari, nous éclabousser avec ce conflit en Ouganda, maintenant délocalisé en Centrafrique et au sud-Soudan. Et on est en droit de se demander si de telles atrocités cesseront un jour. Dysart s’en prend également aux occidentaux à travers son chapitre où il fait parler la Kalachnikov, où encore sur le passage de Moses aux mains de l’armée américaine. Qui sont tout aussi responsables de ce qui se passe en Afrique, armant les hommes, manipulant les esprits et se goinfrant de leurs richesses.
Le Soldat Inconnu reste donc un personnage de fiction qui, s’il ne peut tuer un monstre comme Kony, peut néanmoins dénoncer les actes affreux qu’il commet et dont on n’entend jamais parler chez nous, les journaux français préférant se centrer sur les absurdités que peut nous pondre une Nabilla, sur le nouveau métier d’une Zahia, sur les guéguerres de récréation entre un Hollande et un Sarkozy, c’est vrai c’est tellement plus important ! Fermons les yeux, cela ne nous touchera pas !

Une bien belle édition encore une fois, avec une très intéressante postface de Joshua Dysart ainsi que les explications sur ce que sont devenus nos personnages.

Bref, Soldat Inconnu se termine comme il le devait. Pas de surprise finale, mais un au revoir émouvant et poignant. Des explications crédibles de Dysart, des dessins judicieux de Ponticelli pour une œuvre au final qui restera bouleversante et qui nous fait réfléchir sur notre confort et nos préoccupations quand on réalise ce qu’il se passe hors de nos frontières. Joshua Dysart nous remercie de l’avoir suivi durant toutes ses années. C’est plutôt à moi, à nous de le remercier pour nous avoir proposé une telle histoire !
Romain_Bouvet
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le 15 déc. 2013

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