Slam Dunk
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Slam Dunk

Manga de Takehiko Inoue (1990)

Slam Dunk, figure de proue du shônen sportif des années quatre-vingt, phénomène de cette époque et manga culte de la nôtre, est l'un des mangas les plus populaires du célèbre auteur Takehiko Inoue, aux côtés de Real et de Vagabond. S'il a eu le mérite de populariser le basket auprès des lycéens japonais des années quatre-vingts comme cela n'a déjà été répété que trop de fois au point d'en devenir une formule éculée que l'on s'attendra à voir mentionner systématiquement dès qu'un locuteur se met à en parler, ce qui fait que je ne m'attarderai pas davantage là-dessus et l'élaguerai de ma critique, il n'en reste pas moins difficile de s'attaquer à Slam Dunk après avoir lu ses cadets, dont le plus brillant Vagabond. En effet, il ne faudra pas s'attendre à retrouver des dessins d'un tel niveau technique avant d'avoir parcouru plusieurs tomes du manga de basket, et il ne faudra pas non plus s'attendre à y retrouver l'ambiance dramatique de Real.


En réalité, en plus d'être délesté des points susmentionnés, Slam Dunk n'aide pas à se faire apprécier par son lecteur et paraît se plaire à ce qu'il l'ait en exécration, sans quelque difficulté que ce soit, avec un début aussi mauvais; le premier tome à lui seul parvient à compiler plusieurs clichés dépréciés: de la niaiserie ambiante de Sakuragi mêlée à sa naïveté à son statut d'archétype ambulant du shonen nekketsu moyen, en passant par un public volubile, peu avare en commentaires futiles.


Les tomes qui suivent peuvent se targuer de relever le niveau catastrophique du premier, car si la verbosité du public ne cessera jamais de parasiter le manga et ce peu importe la patience du lecteur, il aura au moins le droit d'assister à de véritables matchs, ce qui lui était refusé jusqu'à présent. Tout ce qui lui était autorisé était des entraînements et une série de lancers entre deux joueurs qui faisait office de match. Cependant, le prétendu chef-d'œuvre paraît encore lointain, si bien que le lecteur, à force de louvoyer devant la maturation des dessins, de l'histoire et la formation de la véritable équipe de Shôhoku, en vient à se demander s'il y parviendra réellement. La maturation des dessins est due à la connaissance qu'a le lecteur du véritable niveau technique de Takehiko Inoue, de celui dont il a fait la démonstration dans Vagabond et qui aidera le lecteur à s'armer de patience pour retrouver un niveau similaire dans Slam Dunk; la maturation de l'histoire est due au fait que le Weekly Shônen Jump tenait à ce que l'auteur ingère des éléments de romance et des éléments de furyo afin de pouvoir changer la direction de la série dans le cas où elle n'aurait pas plu au grand public, elle est également due à la mauvaise gestion du temps d'un Takehiko Inoue qui cherche encore quel rythme adopter, tel que le match opposant Shôhoku à Ryonan où 10 minutes se sont étalées sur un tome et demi, du milieu du tome 4 jusqu'à la fin du tome 5 inclus, dont 2 minutes ont duré 6 chapitres. Tout le reste du match n'avait duré que la moitié d'un tome, du début jusqu'au milieu du tome 4. D'un point de vue logique, il aurait été préférable de faire l'inverse: faire durer les dix minutes durant la moitié d'un tome et le reste du match durant un tome et demi. Quant à la formation de la véritable équipe de Shôhoku, il faudra attendre d'être arrivé à un certain point pour la voir en jeu.


Néanmoins, une fois les dessins et l'histoire arrivés à maturité, et donc Inoue exempté des contraintes du WSJ et l'équipe formée, le manga devient plus agréable à suivre. Il est vrai qu'Inoue ne se débarrassera jamais de sa mauvaise gestion des cinq dernières minutes, qui s'étaleront tantôt sur quatre chapitres, tantôt sur six et tantôt sur huit, dont une minute se sera étalée à elle seule sur un chapitre entier, mais en ce qui concerne les matchs en eux-mêmes, globalement, il aura réussi à faire en sorte qu'ils soient d'une durée relativement homogène à une exception près.


Toutefois, cette qualité d'homogénéité des matchs, cette médaille, cache un défaut; elle a son revers, que j'expliquerai ci-dessous. En effet, pour l'heure, le défaut qui est le plus ressorti sur la durée du tome dix au dernier tome est évidemment les flash-back intempestifs. Non content de devoir faire preuve d'un stoïcisme certain pour pallier aux commentaires aussi inutiles qu'abondants des spectateurs, le lecteur doit désormais supporter les flash-back des divers personnages qui, au grand dam des lecteurs, ont ce qu'il faut pour gâcher d'une manière qui force le respect le rythme des matchs. En effet, l'une des forces des matchs présents dans le manga, outre le réalisme qu'Inoue y a apporté, est qu'ils s'enchaînent bien, ce qui s'explique par le peu de texte qui y est présent qui fait que le lecteur aura tendance à lire rapidement un tome, et qu'il en ressort un rendu dynamique. Néanmoins, les flash-back, à chacune de leurs apparitions, entravent ce dynamisme et cassent le rythme des matchs. Pour éviter cela, il aurait sans doute été préférable de ne pas ingérer les flash-back directement dans les matchs, mais de les déplacer dans les préludes des matchs, tel que le flash-back de Mitsui dans le tome 8 qui ne se déroulait pas en plein match.


Slam Dunk souffre également de son statut d'œuvre classique et de manga de sport collectif. En effet, une fois un certain nombre de mangas présentant un sport collectif lus, le lecteur se rend rapidement compte qu'un schéma


l'équipe qui, à partir du premier match du tournoi interlycée, enchaîne les victoires


se dégagera de ses lectures et qu'il le retrouvera dans d'autres d'entre elles, ce qui fait que les autres manga qu'il lira a posteriori lui paraîtront, fatalement, prévisibles. Vous l'aurez compris, Slam Dunk n'y fait malheureusement pas exception pour le lecteur moderne.


Quand, lors du match opposant Shôhoku à Kainan, Inoue annonce que la défaite n'est momentanément plus synonyme d'exclusion, le lecteur le voit venir faire perdre Shôhoku à des kilomètres avec ses gros sabots, étant donné que c'est tout ce qu'il a trouvé pour tenter désespérément de tromper un lecteur ou l'autre quant au schéma du manga de sport collectif moyen.


J'en parlais plus haut et nous y voici: le défaut caché par l'homogénéité des matchs du manga. Si d'une part elle assurait des matchs d'une durée similaire, d'autre part, en commettant un parjure quant à cette homogénéité vers les derniers tomes, Inoue rend sa fin remarquablement prévisible.


Quand le lecteur voit le match Shôhoku - Sannô s'étendre plus que d'ordinaire et qu'il reste de moins en moins de tomes à consacrer à la suite, il subodore de toute évidence le résultat final: la défaite de Shôhoku face à l'institut Aiwa.


En conclusion, Slam Dunk, manga culte considéré comme un chef-d'œuvre, souffre d'un début catastrophique, de problèmes de rythmes dus à des flash-back intempestifs, de la prévisibilité des matchs, mais brille, une fois plusieurs tomes lus, de par un dessin d'une rare qualité, et de par le réalisme et la passion que son auteur y a insufflés.


Lu du 23/07/21 au 23/08/21

Begi-
7
Écrit par

Créée

le 7 sept. 2021

Critique lue 163 fois

Begi-

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