Secret invasion : l’event, les histoires associées et les conséquences

Premier crossover post-civil war, mais contrairement à ce dernier « secret invasion » séduit nettement moins. L’idée était pourtant prometteuse, des aliens capables de prendre l’apparence de n’importe qui, ont infiltré les organisations terriennes au plus haut niveau pour préparer leur invasion. L’idée était d’ailleurs en préparation depuis un moment, l’auteur Michael Bendis ayant soigneusement préparé le terrain pour cet event.

Luke Cage l’avait d’ailleurs pressentit, il y a quelque chose derrière les derniers événements dramatiques qui ont marqué la Terre et les super héros : l’éjection de Nick Fury, la séparation des vengeurs, l’évasion massive de Ryker Island, House of M, et bien sur le conflit retentissant autour de la loi sur le recensement… Lorsque la présence d’un skrull à la tête d’une organisation criminelle fut découverte, la suspicion fut de mise au sein d’une communauté déjà profondément divisée. Même à l’intérieur des new avengers, la confiance fut mise à rude épreuve et le comportement de chacun devint propice à la méfiance. Une méfiance d’autant plus grande envers les avengers officiels avec lesquels ils sont en conflits. Une équipe probablement déjà infiltré, Iron man étant le premier suspect.
Mais ce qui aurait pu donner à une bonne occasion de développer la psychologie des héros, leurs failles et leurs doutes, dans un contexte de méfiance où on ignore qui est vraiment ce qu’il paraît, va malheureusement laisser place à une grosse baston bien bourrine. Alors oui tout le monde participe au combat, les vengeurs, officiels et clandestins, jeunes et anciens, l’Initiative, Nick Fury et ses secret warriors, Thor qui fait son retour, et même des vilains regroupés autour de Hood sans compter les thunderbolts de Norman Osborn. Tous doivent affronter une armée de super-skrulls dotés de combinaisons des pouvoirs des héros terriens. Alors oui les pages ne sont pas vilaines, mais malgré cette débauche d’affrontements et de pouvoirs on ne ressent pas de réelle portée épique. Les combats du même genre étaient bien plus intenses dans « ultimate : independence day » ou « House of M ». Comme quoi la qualité du dessin ne suffit pas s’il n’y a pas de direction artistique derrière.

Les skrulls injectent un virus qui cible la technologie de Stark et en un rien de temps toutes les organisations de défense terrienne sont mises hors d’état. Pour mieux déstabiliser les héros, ils envoient sur le champ de bataille plusieurs d’entre eux qui ont pris leur apparence, de sorte qu’ils ne savent jamais s’ils peuvent faire confiance à leur compagnon. D’où un jolie foutoir où chacun ou presque se retrouve avec son double, les deux affirmant être le vrai et l’autre un imposteur. Une situation qui s’éternise un peu et qui devient lassante... L’un des héros vient à mourir, mais sa mort ne suscite qu’une émotion limitée, entre autre à cause de la façon dont c’est amené et du manque de répercussions. La tragédie est compensée lorsque toutes les personnes enlevés qui avaient servi de modèle sont récupérées en vie, car les Skrull avaient besoin d’eux vivant pour conserver leur apparence. Pratique.
Les 4 fantastiques brillent par leur quasi-absence, et de même la Panthère Noire et les Inhumains, occupés à gérer l’invasion de leur côté, sont à peine montrés. Les X-men n’apparaissent pas non plus, pour ça il faudra sans doute se tourner vers leur propre série.

C’est aussi le défaut de cet event, pour vraiment l’apprécier il faut se tourner vers d’autres séries qui se déroulent en parallèle (les ties-in). Un défaut que ne présentait pas « civil war » qui pouvait aisément se lire tout seul. Autre exemple, on assiste au retour de Thor et de Bucky Barnes dans le costume de Captain america, l’explication de leur présence se trouvant là encore dans leurs séries respectives.
Mais la série indispensable à lire est « new avengers », et là l’événement retrouve un intérêt inattendu. Si dans le dernier arc ils perdaient du temps à combattre the hood plutôt qu’à s’occuper de la menace alien qu’ils avaient découvertes, celui consacré à secret invasion retrace comment les skrulls ont longuement soigneusement planifiés l’invasion, comment depuis la mise en garde des Illuminatis ils ont cherchés désespérément un moyen de neutraliser les pouvoirs redoutables des défenseurs de la Terre. L’occasion de revenir sur les événements précédents du point de vue des Skrulls infiltrés et de les voir sous un autre angle, même si pour certains leur participation n’est pas clair. On découvre aussi comment Hood a appris l’existence de l’invasion.
On constate que loin de dissuader les skrulls de revenir suite à la guerre Kree/Skrull, la décision du groupe secret de faire une démonstration de leur pouvoir les a au contraire incité à se venger, pire encore à mieux se préparer. En copiant l’esprit de ceux qu’ils avaient capturés, poussés au désespoir par l’assaut d’Annihilus (que les lecteurs de l’event cosmique « annihilation » sont content de connaître et de retrouver dans cette histoire), les Skrulls ont comprit que pour vraiment berner leurs ennemis, il fallait que la transformation soit totale, pas seulement en apparence. Ils ont transféré à des volontaires les souvenirs des super-héros terriens jusqu’à ce qu’ils se supplantent aux leurs. Oui les soldats transformés étaient vraiment persuadés d’être les originaux ! Un point qui n’apparaissait pas clairement dans « secret invasion » et dont la révélation entraîne à voir d’un autre œil la confrontation qui a eu lieu : les doubles aliens des héros étant vraiment persuadés d’être les vrais ils n’étaient alors pas animés d’intentions hostiles. Malheureusement, le subterfuge fut découvert avant que les faux héros ne puissent s’en rendre compte, c’est dommage, il aurait été intéressant de voir l’effroi de l’un deux lorsqu’il aurait compris la vérité. Même s’il y a bien eu un soldat skrull qui fut en conflit avec son autre identité, l’idée n’alla pas plus loin que ça et fut plutôt mal exploité, du moins dans l’event lui-même.

L’event lui-même est donc décevant, mais s’avère plus intéressant pris dans son ensemble. L’occasion d’évoquer une des particularités des comics, et notamment depuis les années 2000 chez marvel, qui régulièrement produit un grand événement associés à des histoires en parallèles. Ce qui peut être captivant si l’on aime les univers partagés, mais aussi lourd à suivre.

Cette invasion aurait pu être l’occasion pour les vengeurs divisés de se regrouper, mais les événements se déroulèrent différemment. Iron man fut perçu responsable pour les failles de sa technologie, et c’est Norman Osborn qui devient le nouvel héros populaire en abattant devant les caméras la reine Skrull. Il n’en fallut pas plus pour qu’il soit nommé à la tête de la défense mondiale. Ce fut le début d’une nouvelle ère, « dark reign », qui comme le précédent événement, fut mal exploité. Les Etats-Unis terrifiés qui se tournent vers la force au détriment de leurs valeurs, il y avait matière à réflexion mais il n’en est rien. La situation n’évolue guère pour les « new avengers », de nouveau clandestin, et trop occupés à combattre encore the hood. Les darks avengers crées par l’ex-Bouffon vert manquent d’intérêt, dark wolverine et dark miss marvel sont inutiles, et s’il est marrant de voir Venom ne penser qu’à manger ses ennemis ou Bullseye regretter de ne pas pouvoir les tuer, l’équipe manque de cohésion. On se demande d’ailleurs ce qu’espérait Norman en regroupant ainsi des criminels instables, ainsi qu’en s’alliant à d’autres super-vilains aussi peu dignes de confiance que Loki… Un dark reign au final peu marquant qui s’achèvera dans « siege », crossover court mais intense qui renoue avec une certaine qualité.