Nous rencontrons des problèmes techniques sur la partie musique du site. Nous faisons de notre possible pour corriger le souci au plus vite.

Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2017, écrits par Donny Cates, dessinés et encrés par Lisandro Etherren, et mis en couleurs par Dee Cuniffe.


Un peu à l'écart d'une bourgade appelée Sulphur Springs, dans l'est du Texas, il y a une maison isolée qui abrite une famille très particulière. Oncle Bartlett est en train de réfléchir à ce qu'il est et d'où il vient, tout en se sifflant une bière qu'il a décapsulé avec les dents dont de très longues canines. À ses côtés la petite Perry est en train de jouer avec ses poupées, tout en écoutant les pensées de son oncle. Slap (le fils de JV), Greg et Seamus sortent en trombe de la maison. Ils ont décidé d'aller passer une soirée en ville. JV (le père de Slap) les invective en leur criant dessus qu'il ne leur a pas donné son accord pour qu'ils sortent. Ils n'en ont cure et partent en 4*4, pour aller un bar à nénés. JV s'assoit sur les marches du porche et se plaint de leur attitude à Bartlett, tout en affirmant que s'ils tuent quelqu'un, il est hors de question qu'ils remettent un pied dans la maison.


Oncle Bartlett finit par se décider de se rendre également en ville pour servir de chaperon. Il retrouve les 3 jeunes (60 ans chacun) dans une ruelle derrière un bar alors qu'ils se font agresser par 5 jeunes humains. Il réussit à faire peur aux délinquants, mais devant lui se dresse Père Landry qui l'asticote en lui rappelant ce qu'il risque s'il agresse quelqu'un et en raillant la mère de Slap. Bartlett ne peut pas laisser passer ça. Le lendemain, il se réveille sur le porche de la maison des Bowman alors que le soleil se lève. Il découvre avec horreur le corps de Slap pendu à l'arbre du jardin, et tous les bovins éventrés.


Dans cette deuxième moitié des années 2010, mois après mois, l'éditeur Image Comics publie de nouvelles séries comme s'il suffisait de se baisser pour en trouver. Celle-ci s'avère aussi originale que les autres, mélangeant vampires et Sud des États-Unis. Dans un premier temps le lecteur peut y voir une similarité avec la série American Vampire de Scott Snyder & Rafael Albuquerque, mais cette impression s'estompe rapidement. Donny Cates établit rapidement qu'il s'agit d'une petite communauté de vampires comprenant une dizaine de membres, sur 4 générations. Le récit permet de comprendre que ces créatures ont trouvé comment vivre discrètement, en se nourrissant de sang bovin, et en utilisant 2 êtres humains (Phil & Evil) pour effectuer les tâches du quotidien ne pouvant se réaliser que de jour. Le scénariste ne s'étend pas trop sur les règles de la vie de ces vampires, si ce n'est qu'ils boivent du sang, qu'ils brûlent quand ils sont exposés à la lumière directe du soleil, que certains d'entre eux peuvent disposer d'une capacité extraordinaire, Perry qui lit dans les esprits, ou Granpa qui peut prendre la forme d'une chauve-souris anthropomorphe. En outre, leur cycle de vie est plus long que celui des êtres humains, Bartlett ayant été transformé peu de temps après le siège de Fort Alamo (du 23 février au 6 mars 1836).


Au cours de ces 6 épisodes, le lecteur n'en apprend pas beaucoup plus sur les vampires en eux-mêmes. Oncle Bartlett explique que ses souvenirs deviennent vagues et qu'il a perdu tout intérêt dans la conduite des affaires humaines. Le scénariste intègre le fait qu'une poignée d'humains est au courant de l'existence de ces créatures : la famille Landry, et les 2 serviteurs des Bowman. La jeune Perry essaye d'en apprendre plus sur l'histoire des Bowman et de Bartlett en lisant dans l'esprit de ce dernier, mais elle se heurte à son manque de coopération. BJ et Bartlett sont avant tout préoccupés par le fait de ne pas se faire remarquer. Ils ont vécu des années au cours desquelles les vampires étaient pourchassés et ils n'aspirent qu'à cette forme de tranquillité paisible dans laquelle leurs besoins vitaux sont satisfaits aisément, sans qu'ils ne se fassent remarquer, sans qu'ils ne doivent craindre d'être démasqués. Cette petite vie bien réglée vole en éclat à cause d'une nuit de biture. Le pire est qu'oncle Bartlett n'a aucune idée de ce qui a pu se passer. Une partie des vampires est persuadée que des humains ont mis à mort Slap. Ce genre de comportement exige des représailles immédiates, sanglantes, et de grande ampleur.


Dès la couverture, le lecteur a un aperçu assez clair : des dessins chargés en traits noirs apportant de la texture et du relief. Ce dessinateur intègre une touche d'exagération dans les morphologies, rendant les personnages plus marqués plus expressifs, tout en réalisant des traits de contour un peu lâches pour une représentation de la réalité un peu décontractée. Cette approche fonctionne bien pour dépeindre cette petite communauté de vampires. Effectivement, ils sont à l'opposé d'individus attachant une importance à leur apparence, s'habillant de vêtements pratiques et déconnectés de tout phénomène de mode : jeans, teeshirts, chapeau de cowboy pour JV, chemise informe, casquette de baseball, etc. JV Bowman est gras du bide, avec un pantalon remonté un peu trop haut, et de belles bacchantes. Son visage est marqué par l'âge, environ la cinquantaine, la lassitude, et une vague forme d'inquiétude. Néanmoins dès qu'il soupçonne Bartlett d'être parti en vrille et d'avoir provoqué la mort de son fils, le lecteur voit la rage monter en lui. Bartlett est plus filiforme, mais tout aussi dégingandé, avec un teeshirt informe et une casquette vissée sur la tête, arborant lui aussi une belle paire de moustache. Le lecteur constate que son visage reste très expressif, provoquant une réelle empathie. Le dessinateur s'amuse bien à montrer à quel point ce personnage est dépassé par les événements et encaisse mauvaise nouvelle après mauvaise nouvelle.


Le reste de la distribution de personnages exhale tout autant de saveur. Les jeunes vampires de 60 ans ont effectivement une apparence de très jeunes adultes, avec une dégaine qui ne respire pas une intense activité intellectuelle. Le père Landry déplace sa masse imposante et s'en sert pour intimider ses interlocuteurs. Perry ressemble à une fillette d'une dizaine d'années, avec de grands yeux curieux de tout, et une silhouette très mince. Le lecteur découvre Granpa ratatiné sur son fauteuil roulant au grenier, décharné et à moitié masqué par la pénombre. Le lecteur a vite fait de s'attacher à ces individus bruts de décoffrage, à l'allure simple. Ils évoluent dans des environnements décrits avec plus ou moins d'implication par l'artiste en fonction des scènes. Le lecteur découvre la vieille bâtisse en bois des Bowman, avec son porche muni d'un rocking-chair bien sûr. Il peut voir les veines du bois, ou en tout cas des traits figurant les veines du bois, la fenêtre de l'étage condamnée par des planches, une guirlande Noël pour éclairer la nuit, l'escalier en bois pas très bien entretenu pour descendre au sous-sol, la chambre à l'étage encombrée comme un grenier.


Par la suite, le lecteur se rend au comptoir du Lonestar bar, sort dans la ruelle derrière, pénètre dans l'église de Sulphur Springs, ou encore parcourt les rues de la ville. Effectivement, Lisandro Estherren représente plus ou moins de détails dans les cases, en fonction de s'il souhaite que le lecteur se focalise plus sur les personnages. Au plus long, les arrière-plans demeurent vides pendant 4 pages d'affilée. Dee Cuniffe fait le nécessaire pour maintenir une teinte particulière pendant ces moments, et accompagne discrètement les impacts. Cette variation du degré d'implication dans la dimension descriptive des dessins n'est pas trop pénalisante pour l'immersion, parce que l'artiste privilégie l'impression globale au détail, à chaque page. En outre, il sait créer des visuels impressionnants régulièrement comme une vache égorgée, un arbre au pendu, un établissement de restauration en proie aux flammes, la maison des Bowman prise dans les faisceaux croisés des véhicules des citoyens et de la police, etc. Le lecteur se retrouve donc entraîné par la narration visuelle dans ce coin des États-Unis, aux côtés de cette famille dysfonctionnelle. De son côté, le scénariste déroule son enquête qui repose sur les souvenirs enfouis de Bartlett de cette fameuse nuit. Pendant qu'il essaye différentes solutions pour se souvenir, la violence des représailles augment de plusieurs niveaux. Le scénariste étire à la fois la situation conflictuelle en ville, et à la fois la recherche des souvenirs de Bartlett pour pouvoir caser la présentation d'une partie du passé de ce dernier. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut apprécier d'en apprendre plus sur le passé, ou trouver que Cates n'étoffe pas vraiment les personnages, et se repose trop sur les rebondissements mécaniques de son intrigue.


Ce premier tome propose une histoire de vampires ayant fini par trouver un mode opératoire leur permettant de profiter de leur vie éternelle sans être inquiété par les humains. Les dessins rugueux et âpres de Lisandro Estherren transcrivent bien ce mode de vie sans paillettes ni éclat. Ils montrent bien également la violence qui tache, brutale, sans une once de romantisme. Le déroulement de l'intrigue fait durer le suspense quant à ce qui s'est vraiment passé, ce qui finit par se voir. Un bon début, un peu délayé.

Presence
7
Écrit par

Créée

le 11 avr. 2020

Critique lue 166 fois

Presence

Écrit par

Critique lue 166 fois

Du même critique

La Nuit
Presence
9

Viscéral, expérience de lecture totale

Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome, initialement publiée en 1976, après une sérialisation dans le mensuel Rock & Folk. Elle a été entièrement réalisée par Philippe Druillet, scénario,...

le 9 févr. 2019

10 j'aime