De légers spoilers dans la première partie de la critique, puis des gros spoilers, je vous conseille de lire la B.D avant de lire cette critique.


Quartier lointain, c'est l'histoire d'un gars qui voit sa vie défiler. Avec ses regrets et ses remords, il désespère. Dans son coeur, un lourd secret est renfermé.C'est ainsi que Jiro Taniguchi (mangaka Les années douces, ou Terre de Rêve) dépeint cette histoire intimiste et psychanalytique.


Ce manga nous interroge sur ce que nous réserve le passé ?


D'abord, la vie est éphémère, et tout ce qui s'y trouve est voué à disparaître. Etre vivant ou objet inanimé. Alcoolique, marié et père de deux filles, notre protagoniste dérive. Il prend un train direction sa ville natale : vers son enfance.
En se rendant sur la tombe de sa mère, il s'évanouit. Sa conscience s'évapore tels les battements d'ailes d'un papillon : magnifiques et sensuels.
A sa grande surprise, du haut de ses quarante-huit ans, il redevient le frêle adolescent de ses quatorze ans. Il redécouvre le monde mi-enfant, mi-adulte. Ses premiers émois réapparaissent.
Il agit comme un adulte dans un corps d'enfant ; puis, comme un enfant dans un corps d'adolescent.


Ensuite, il redécouvre l'amour.
Premièrement familiale, sa sœur, sa grand mère, ses parents, puis celui d'une fille de sa classe. Il n'est après tout qu'un adolescent. Son père lui donne un soufflet. Il est libre grâce à cette jeunesse, il peut refaire sa vie, mais il reste prisonnier de son passé et de son futur. En changeant son passé modifierait-t-il son futur ?
Il se remémore que son père a quitté la maison durant cette année. Il va chercher pourquoi. Dans sa maison, l'ambiance est heureuse, et règne le bonheur d'une famille.


Enfin, le passé est souvent douloureux, parfois contraignant, mais toujours inchangé. C'est ce que notre héros comprend au fur-et-à-mesure de cette épopée.
Son père possède de solides chaînes autour de lui l'empêchant de vivre, malgré la béatitude de sa vie : une femme aimante, des enfants, un travail.
En effet, il travaille dur tout les jours.
Pourquoi voudrait-t-il fuir cette vie ?


Jiro Taniguchi brosse un portrait plus défaitiste et humain d'un homme avec ses défauts et ses questionnements, notamment les raisons qui le poussent à agir de cette façon.


D'abord, Son père n'a pas choisi de rester ici.
C'est par impératif et contrainte qu'il est forcé à rester. Pour résumer, sa mère a été marié a un homme mort à la guerre, le père de notre héros a été sauvé du paludisme grâce à cet homme. Il tient à remettre en main propre les cendres de cet homme abattu d'une balle dans le dos. Il se rapproche de la mère du héros, et forme un couple. Le grand-père du héros meurt en quelques jours, et sa grand-mère s'affaiblit tellement qu'elle ne peut dorénavant plus se mouvoir. Les parents du héros décide de rester et de l'aider, et de renoncer à leur dessein de voir le monde... Puis sa mère tombe enceinte, ils ne peuvent se permettre de quitter la ville.


Ensuite, c'est cette rancœur envers une vie qui ne lui appartient pas, qui ne le correspond pas qu'il décide de fuir son foyer familial. Ce sentiment aurait pu rester enfoui, mais est réanimé par une amie d'enfance souffrante lui ayant envoyer une lettre.
Celle-ci meure, mais dans cette adolescence changée, notre héros la rencontre. Elle lui explique qu'elle ne voulait pas faire de mal à sa famille et qu'elle était égoïste. Ce sont les sentiments humains destructeurs et touchants qui animent ce récit.


Enfin, le jour de son départ. C'est avec la force d'un adolescent de quatorze ans, et la maturité d'un adulte de quarante huit ans que notre héros laisse son père partir. Son passé ne peut être changé, mais il peut en être libéré. Des chaînes se brisent.
Sa famille s'y attendait, elle connaissait ce secret...
Notre héros se réveille, il reprend ses quarante huit ans et ses inconvénients et se rend compte qu'il fuyait sa famille : sa femme et ses deux enfants


On ne fuit pas son passé, on vit avec.
Comme Philippe Grimbert dans Un Secret, un héros : un enfant se voit chargé de redécouvrir sa vie, et de trouver le secret qui hante son père.
Celui à cause duquel il n'est pas complètement heureux ... Jiro Taniguchi accompagne cette histoire de dessins magnifiques, de somptueux décors embellis par des traits doux, et des expressions faciales travaillées.

Doc-comics
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top 10 BD

Créée

le 28 avr. 2018

Critique lue 314 fois

5 j'aime

P- -A

Écrit par

Critique lue 314 fois

5

D'autres avis sur Quartier lointain, tome 2

Quartier lointain, tome 2
pandaslave
10

Quartier Lointain, Tomes 1 et 2

Quartier Lointain Un voyage dans le temps grâce auquel un homme adulte revit son adolescence. "Quartier lointain" est un manga écrit par Jirô Taniguchi et publié en 1998. Le manga possède 2 tomes qui...

le 13 janv. 2019

1 j'aime

Quartier lointain, tome 2
BMR
9

Une excellente façon d'aborder les mangas

C'est Frédéric Boilet (qu'on a déjà évoqué avec Tokyo est mon jardin) qui signe ici l'adaptation française des deux volumes de ce manga Quartier lointain de Jirô Taniguchi : recadrage des images à...

Par

le 6 avr. 2016

1 j'aime

Quartier lointain, tome 2
EricDebarnot
8

Entre nostalgie et magie des souvenirs

Entre nostalgie et magie des souvenirs, "Quartier Lointain" est avant tout une invitation à la rêverie d'une immense sensibilité, qui finit même par nous bouleverser profondément : nous qui, passée...

le 12 juin 2015

1 j'aime

Du même critique

Quartier lointain, tome 2
Doc-comics
10

LA VIE TREPASSE

De légers spoilers dans la première partie de la critique, puis des gros spoilers, je vous conseille de lire la B.D avant de lire cette critique. Quartier lointain, c'est l'histoire d'un gars qui...

le 28 avr. 2018

5 j'aime

Le Kid
Doc-comics
9

Le génie Chaplin

Chaplin, un des plus grands réalisateurs du 20ème siècle, nous signe un de ces chef d'oeuvre comme il le fait si bien en 1921 : The Kid. La musique est vraiment saisissante, la comédie gestuelle est...

le 17 avr. 2017

4 j'aime