Le petit âne

Toute la polémique autour de cet album et son auteur depuis quelques années a piqué ma curiosité. Je ne la comprenais pas avant de lire, je la comprends encore moins après lecture. Ce sont des dessins humoristiques.

À la limite je peux comprendre par rapport à la préface de Tran, ex hardeuse reconvertie en auteure de BD et directrice de collection chez Glénat ; cette dernière écrit d'abord que les récits n'ont pas de visée érotique puis revient sur sa déclaration, au sein de la même préface, et avoue qu'elle a été émoustillée. Ce qui confirmerait donc que la BD est pornographique, que l'on met des enfants dans des situations sexuelles et que l'on peut en tirer du plaisir.

Je pense que ce que Celine Tran a essayé de dire, c'est que ça émoustille dans le sens où on retrouve des fantasmes adolescents : qui n'a jamais fantasmé sur un professeur ? Je me souviens qu'à 10 ans j'avais été convoqué par l'institutrice parce que je lorgnais trop sur sa poitrine (bien fournie et bien présentée si mes souvenirs sont bons). Parce que oui, les enfants aussi ont une sexualité. Pas la même que celle d'un adulte, je ne pensais pas forcément à la pénétrer, mais j'éprouvais du désir pour ses formes. Je me souviens aussi que je me masturbais sans savoir que c'était de la masturbation : le soir je me frottais le zizi contre les mains, à plat ventre sur mon lit. Ce petit rituel me permettait de m'endormir très vite.

Toujours est-il que les récits ne sont pas terribles ; on peut bien déceler un peu de fantasme dans deux ou trois histoires, mais l'auteur répète un peu toujours les mêmes situations et les mêmes conclusions, comme si parler de ce gros zizi ne pouvait mener qu'à une énorme éjaculation et rien d'autre. C'est assez pauvre. Les personnages n'évoluent pas, au contraire l'auteur s'installe confortablement dans cette naïveté et ne cherchera jamais vraiment à aller plus loin ni remettre en question cet état de fait. Et les situations perdent vite de leur aspect érotique, comme par exemple lorsque l'auteur mêle intoxication alimentaire et apparition fantastique, au final c'était juste un prétexte pour montrer du sexe. Le développement de chaque histoire est décevant, l'auteur ne parvient jamais à faire attendre le lecteur, à susciter l'envie, c'est juste du potache. Et comme exprimé plus haut, le lien avec les fantasmes adolescents sont finalement assez rares. J'ai donc beaucoup de mal à voir de l'érotisme, de l'envie et du désir. Ce sont juste des gags potaches, faciles, souvent ratés.

Si je ne suis que rarement emballé par les scénarios de Vivès, j'ai toujours pu lui reconnaître un talent graphique même si j'aurais préféré qu'il dessine sur papier et non à la tablette. Dans ce bouquin-ci, je ne sais pas trop ce qu'il a foutu, mais le dessin est souvent moche : les mains, les traits inutiles, les points de vue adoptés, ... globalement ça passe, mais c'est quand même pas très bien fait.

Reste ces couvertures inspirées de "Martine". C'est une idée amusante en soi mais qui se révèle pauvrement exploitée (les détournements facebook sont plus marrants que ce que Vivès propose ici) : on ne ressent pas assez de liens directs avec l'oeuvre de référence, et sur la fin ça n'a même plus rien à voir, que ce soit graphiquement ou narrativement.

Bref, pas terrible ce bouquin. Je suis contre ce que subit cet auteur, je pense que les gens devraient remettre en contexte les dessins cochons proposés ici. On peut critiquer évidemment, son point de vue est finalement assez masculiniste, il renforce l'idée qu'un gros zizi vaut mieux qu'un petit, même si c'est de l'humour potache cette conclusion s'impose ; il y a aussi une objetisation du sexe, des deux personnages principaux. Mais de là à parler de pédopornographie... Malheureusement cela reste un sujet dont il est difficile de parler, un peu comme à l'époque des attentats Charlie, soit on était Charlie soit on l'était pas... comme si la vie était si simple. Et ici je lis beaucoup de gens rester braqués sur l'idée que les enfants sont innocents, qu'il ne faut pas les associer à du désir et des pulsions sexuelles (comme s'ils n'en avaient pas) et que si on ne condamne pas Vivès, c'est qu'on est soi-même un pédophile (avec en plus le raccourci qu'un pédophile est forcément un pédocriminel). Et tout ça pour un bouquin qui n'est même pas terrible...