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Je l'avoue, l'hexalogie "Peter Pan" de Loisel m'a laissé une sensation confuse entre les doigts. C'est bien vrai, Régis Loisel a un réel talent de dessinateur, plus même, de créateur d'univers. Il donne superbement vie au Londres du XIXème siècle, crasseux et gris, et parvient à doter l'île du pays imaginaire, luxuriante à souhait, d'une véritable âme graphique. De même, ses personnages sont façonnés et animés avec soins, on reconnaît entre mille la patte graphique du Monsieur - ainsi que sa palette de couleurs. Non, visuellement, les six tomes sont attachants, et c'est plutôt du côté de l'histoire que les rouages grippent par moments - ou un peu partout. Revisitant avec une viscosité corrosive le conte de J.M Barrie, Loisel réussi le pari à propulser cette fable d'enfants rêveurs dans une atmosphère sombre destinées aux adultes. Pourtant, les naïves envolées lyriques du dessin animé de Disney ne sont jamais loin. On alterne constamment entre la légèreté presque bucoliques des scènes quotidiennes et la gravité des messages philosophiques dissémines de ça et là : le lien maternel, l'ambition et les rêves, la quête du pouvoir, la richesse, etc. Ce mouvement de yo-yo est fort ingénieux mais rend l'intrigue vulnérable. Au fur et à mesure des tomes, un vent de banalité se promène entre le bras de fer entre Peter et Crochet, entre pays imaginaire et pays réel. Si les caractères de Peter Pan et de Crochet sont plutôt bien esquissés, la foule de personnages secondaires bénéficient d'un traitement plus brouillon : patte de chèvre, le centaure, les sirènes, mouche rose ou même Clochette. C'est fort dommage car on sent le potentiel d'attachement dans chacun d'eux, qui jamais n'abouti pleinement. La quête de salvation de Peter, et son lien douloureux à sa famille, s'émiettent progressivement dans un entrelacs paresseux de scènes certes dynamiques, mais truffées de dialogues envahissants, pas vraiment drôles non plus et parfois fades et redondants. L'effet de déjà-vu et de paresse s'amplifie de plus en plus, et alors que la fin du tome 5 remettait un excellent suspense en route, l'intrigue se termine en queue de poissons dans un tome 6 bafouilleur, égaré, bâclé ou tout simplement maladroit. On a comme l'impression que le cœur de l'histoire échappe à Loisel, et que seuls subsistent, dans les cases, des miettes savoureuses mais peu nourrissantes. Les sous-intrigues (le trésor menacé de l'île, la relation au gardien, l'embauche des orphelins) s'avèrent finalement creuses et ne convergent jamais vers le cœur de l'histoire. Quel est-il d'ailleurs, ce cœur ? on ne le saura jamais vraiment. Peut-être est-ce dans son absence et son hétéroclite que réside la beauté de l'histoire. La relation Peter-Kundal est finalement la plus réussie, poétique, douce et intime à souhait. Quant l'ajout de la figure historique de Jack l'éventreur, je n'en voit toujours pas l’intérêt. Au final, on ressort assez frustrés de ces lectures sympathiques mais qui se perdent dans les brumes de l'Opikanoba. Un univers attachant ne garantit pas une profondeur de traitement certaine. Cet avis est très subjectif et ne remet nullement en cause le statut "culte" de cette saga graphique, dont la magie m'a surement échappée. Simplement, dans ce voyage en enfance, tout le monde n'y trouve pas le même enchantement.

Créée

le 17 mars 2019

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