Perfect World
7.1
Perfect World

Manga de Rie Aruga (2014)

Une grande œuvre qui se veut humble


Notre monde à nous me procure tant de bonheur.



Lors d'une sortie avec des collègues de travail, Tsugumi tombe nez à nez avec Ayukawa, son ancien amour de lycée à qui elle n'avait jamais osé déclarer sa flamme. Alors que la soirée se passe bien, Tsugumi remarque tout à coup que le grand sportif qu'était Ayukawa est devenu handicapé moteur suite à un grave accident.
Persuadée qu'elle ne pourra jamais tenir une relation avec une personne dans cette situation, elle décide rapidement de tirer un trait sur ses sentiments passés, mais ceux-ci vont ressurgir de plus belle lorsqu'elle va être amenée à travailler avec Ayukawa dont elle découvrira le quotidien complexe auquel il doit faire face seul jour après jour.



Une histoire simple mais jolie



Perfect World se démarque donc dès le début par sa thématique du handicap, un sujet rarement traité et encore moins de manière aussi centrale, d'autant plus qu'au Japon il s'agit d'un sujet beaucoup plus délicat que par chez nous, les personnes concernées pouvant parfois être considérées comme "improductives" dans une société faisant la part belle au travail acharné.


On découvre donc tout au long du manga l'évolution de la romance entre nos deux protagonistes. D'abord par le biais du travail où Tsugumi et Ayukawa, en tandem sur des projets communs, vont réapprendre à se connaître. Cette partie sera assez simple, tombant même parfois dans du shôjo un peu trop cliché d'ailleurs, mais se contentera surtout de décrire le genre de personne que sont les deux héros et comment ils vivent leur vie. On découvre également le handicap par les yeux des personnes qu'ils côtoient, certaines n'y voyant pas d'inconvénients, tandis que pour d'autres cela sera plus difficile à accepter.


C'est dans la seconde partie que l'histoire prend un tournant un peu plus mature, en abordant les problèmes réels des personnes en situation de handicap dans leur vie de tous les jours tout en passant par la difficulté pour eux à construire une relation ou une vie de famille sur le long terme. Cette partie se veut donc plus dramatique et s'interroge notamment sur des sujets plus personnels qui feront réfléchir et évoluer nos deux héros qui devront apprendre de leurs erreurs. La fin de cette partie viendra terminer l'histoire principale du manga au tome 9, offrant une conclusion certes déjà vu mais qui reste tout de même très jolie.


La dernière partie du manga commençant au tome 10 est surtout là pour venir conclure l'histoire et nous permet de voir le futur de nos héros. Cette partie suivra le même schéma que la précédente, Tsugumi et Ayukawa font face à une nouvelle difficulté dans leur vie mais continuent d'espérer pouvoir vivre comme tout le monde et sont bien décidés à y arriver. On voit donc là encore que, si la route s'avère toujours plus compliquée de par leur situation exceptionnelle, cela ne se révèle pas impossible pour autant ! Là encore un scénario plutôt convenu mais qui ne manquera pas de nous toucher et de transmettre un beau message.



Des personnages convenus mais attachants



C'est Tsugumi qui sera l'héroïne du manga, secondée par Ayukawa qui sera quant à lui au centre de l'intrigue :


Kawana Tsugumi est donc une jeune décoratrice d'intérieur qui vit une vie paisible. C'est une fille simple et complaisante qui n'a pour l'instant pas de grandes ambitions personnelles mais ses retrouvailles avec Ayukawa la feront réfléchir et mûrir afin de commencer à entrevoir sa vie d'une autre manière.
Tsugumi est là pour nous faire voir le handicap à travers les yeux de quelqu'un qui n'y a jamais été confronté, un peu comme la plupart d'entre nous donc. En ça son rôle est écrit de manière efficace, malheureusement c'est aussi ce qui la rendra assez fade en tant que personnage propre puisqu'elle est au final une fille assez lambda, qui n'aura donc pas des réactions de super-héroïnes prête à casser les clichés vu que l'on est censé pouvoir s'identifier à elle. Elle n'en reste pas moins touchante dans la manière dont elle essaie d'apprivoiser son nouveau quotidien avec Ayukawa.


Ayukawa Itsuki est architecte. Ancien joueur de basket plein de vie, il s'est retrouvé en chaise roulante après le lycée après que sa moelle épinière ait été touchée dans un accident de la route. Cependant il a décidé de tenir bon et essaie toujours de rester positif malgré ses craintes. C'est un garçon sage mais aussi sensible.
Ayukawa est dépaysant dans le sens où lui aussi ne tombera pas dans le stéréotype du gars dépressif dont la vie a été ruinée, ni dans celui du gars super positif à qui tout réussit juste parce qu'il pense pouvoir y arriver. Non, Ayukawa a parfaitement conscience de sa situation et des limites qu'elle implique pour lui, il va donc chercher à avancer là où il le peut. De même que Tsugumi, il reste là encore un héros assez sympathique, à la fois amusant et gentil.


L'histoire se focalisera donc principalement sur ces deux héros et la manière dont ils vont réussir ou non à "cohabiter" ensemble malgré leur train de vie très différent. Si les deux personnages en eux-mêmes ne se veulent pas hautement originaux, ils n'en restent pas moins agréables et leur relation évolue de manière naturelle, on s'y attache donc très facilement.
Les quelques personnages secondaires ne seront pas en reste. Que ce soit les autres personnes en situation de handicap comme Haruto et Kaede ou l'entourage confronté à la situation comme les parents de Tsugumi ou tout simplement les personnes qui cherchent à les aider du mieux qu'elles peuvent comme Nagasawa ou Koreeda, chacun a des motivations plutôt bien développées et ne manquent pas de retenir notre attention.



Un quotidien difficile mais pas insurmontable



Ainsi l'œuvre en elle-même se présente plus comme une mise en situation que comme une réelle fiction. Les personnages et ce qu'il s'y passe ne se voudront pas forcément grandioses ni extrêmement travaillés mais c'est parce que ce n'est pas ce qui nous importe ici.


Dans Perfect World, l'auteure cherchera à mettre en scène la réalité du handicap : comment les personnes concernées ET extérieures le vive, quelles limites il nous impose, comment on peut le contourner, quelles sont les aides que l'on peut obtenir, etc. . Le récit se révélera souvent éducatif (sans tomber dans de la pure description barbante néanmoins) et nous apprendra à mieux appréhender le problème et à savoir comment réagir au mieux envers les personnes touchées. On sent tout de suite que le travail de recherche fait par Aruga sur le sujet a été très poussé (elle explique notamment avoir fait suivre tout son récit par l'architecte en situation de handicap ABE Kazuo, et avoir rencontré de nombreuses personnes et organismes directement concernées par cette thématique) tant les situations paraissent réalistes.


De même, Aruga ne cherche pas à rendre son histoire larmoyante, au contraire elle veut plutôt montrer que les personnes en situation de handicap sont avant tout des gens comme tout le monde qui essaient d'avoir une vie la plus ordinaire possible. Ainsi, bien qu'Ayukawa et Tsugumi fassent face à de nombreuses difficultés, jamais les deux ne se laisseront abattre. Ils auront leurs moments de faiblesse, comme tout le monde, mais feront ce qu'ils peuvent pour tenter de s'en relever et de trouver des solutions.


Toute cette ambiance se retranscrira notamment par les dessins, certes peut-être pas parfait et parfois assez raides ou manquant quelque peu de force, mais néanmoins simples et sans chichi avec une mise en page sobre et plus poétique que réellement sombre ou déprimante dans ses trames, permettant au contenu plus qu'au visuel d'être mis en avant en priorité. Les dessins n'en restent pas pour autant désagréables à l'œil, les arrière-plans sont souvent assez travaillés et la mise en couleur type aquarelle est très douce. La narration quant à elle sait rester fluide et percutante quand il le faut.
Le manga se lit donc bien et l'histoire se suit de manière naturelle jusqu'à la fin.



Une œuvre humble



Ainsi, Perfect World, si il n'est pas le manga qui révolutionnera le genre, notamment au niveau de la romance et des situations qui restent d'une manière générale archi classiques, n'en reste pas moins un très joli manga qui sait de quoi il parle !


Avec un thème (le handicap) et un cadre (de jeunes adultes dans le monde du travail) qui sortent des sentiers battus, il donne tout de suite envie de continuer l'histoire, et cela d'autant plus quand le sujet en question est traité avec autant de respect, ne tombant jamais dans la cliché vulgaire et n'usant jamais de ficelles scénaristiques bien trop sensationnelles pour paraître vraisemblables dans la vraie vie.


Pour ma part, je n'ai jamais été dans la situation de Ayukawa ou de Tsugumi. Néanmoins tout au long de ma lecture j'ai réussi à sentir toute la bonne volonté de l'auteure qui n'avait pas d'autre prétention que de livrer un récit respectueux et en hommage à ces personnes privées d'une partie de leur corps dont nous en savons souvent trop peu. ARUGA Rie nous offre donc ici un manga qui ouvre à la tolérance et nous permettant de nous poser les bonnes questions et de comprendre comment y répondre en conséquence, rien de plus, rien de moins.


Une belle œuvre qui mérite assurément le coup d'œil !

DuotakunoSora
7
Écrit par

Créée

le 15 oct. 2021

Critique lue 193 fois

Duotaku_no_Sora

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Critique lue 193 fois

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