Maestros, tome 1
7.4
Maestros, tome 1

Comics de Steve Skroce (2018)

Critique initialement publiée sur le site exitmusik.fr


Depuis 2018, l’éditeur HiComics (la branche comics du groupe Bragelonne) construit son catalogue autour de deux axes forts : grosses licences (Rick & Morty, Les Tortues Ninja) et trouvailles indé. Cette ligne éditoriale, emmenée par le bien connu Sullivan Rouaud, permet de mettre en valeur certaines pépites qui peuvent passer sous le radar des lecteurs VO face à la masse de parutions hebdomadaires. Ce Maestros s’inscrit dans cette lignée.


On doit ces sept épisodes (qui forment une histoire complète) au dessinateur et scénariste Steve Skroce. Passé par Marvel et DC puis story-boarder notamment pour les Wachowski, il remet le pied dans le comics indé en 2015 avec le grand Brian K. Vaughan (Y, The Last Man, Saga) sur We Stand On Guard. Américain de son état civil, le bonhomme propose pourtant avec Maestros une histoire très british, un trip barré et irrévérencieux que n’auraient pas renié Neil Gaiman, Terry Pratchett ou Garth Ennis.


Voyez plutôt : le plus puissant sorcier qui ait jamais existé, le Maestro, tout de même coupable d’avoir créé la Terre, a été assassiné. Son fils Will, joyeux luron moitié terrien et banni du royaume de son père car pas vraiment adapté aux coutumes locales, hérite du trône, bien décidé à tout changer. Et forcément, rien ne va se dérouler simplement.


Sur cette base, Skroce met en place une intrigue ultra rythmée dans un trip mêlant situations ubuesques, références pop, moments gores, grosses bastons magiques et humour (parfois très) gras. À l’image du Maestro aux pouvoirs magiques presque illimités, l’auteur ne se met aucune barrière : ça pète, ça explose, ça ressuscite et re-pète dans un joyeux bordel tout aussi jouissif que maîtrisé tout du long. Le personnage de Will se fait le héraut du second degré permanent adopté par Skroce. C’est un héros à la coule, un branleur instantanément sympathique aux aspirations de gauche trop extrêmes pour un royaume aux relations sociales ultra verticales. Même si tout va très vite et que le récit est bref, l’auteur parvient à caractériser le reste du casting de manière satisfaisante et dépeint un univers très accrocheur sans jamais tomber dans le parodique. Le scénario est bien ficelé mais c’est surtout le charme fou (au sens premier du terme) qui se dégage du volume qui apporte toute sa saveur au titre.


Steve Skroce est également un excellent dessinateur. Ses planches inventives rendent le récit immédiatement immersif (le premier numéro est en ce sens un modèle d’introduction) et apportent un vrai plus à la narration. Son style détaillé fourmille de bonnes idées que ce soit sur des double-pages épiques ou sur les expressions faciales durant les dialogues. Il est capable de rendre tout autant hommage à la SF franco-belge qu’aux heures les moins glorieuses de la bande dessinée américaine : on sent que le bonhomme a lu du Moebius et aussi du bon gros comics 90’s. Qui plus est, c’est le toujours très bon Dave Stewart qui officie à la colorisation. Notons enfin la traduction de Philippe Touboul, qui sonne très juste.


Pour peu que l’on ne soit pas réfractaire à ce style d’univers fantastique plus héritier du rock and roll que de Tolkien, Maestros est un véritable petit bijou. Steve Skroce livre une prestation débridée qui fricote avec le génial sur certains passages. Le graphisme entre comics et BD européenne et l’aspect complet du récit – même si la fin laisse la porte ouverte à une suite – en font un très bon exemple de volume à posséder et à offrir pour faire découvrir la richesse du comics indé.

Marlon_Ramone
8
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le 6 juil. 2020

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