Ma Famille Imaginaire
7.3
Ma Famille Imaginaire

Roman graphique de Edith Chambon (2023)

Ma Famille Imaginaire par Christine Deschamps

Une BD que je n'aurais probablement pas lue sans le prix Curiosophie de la 1ère édition du festival L'affaire Tonnerresol à Tonnerre en mai 2024. Un volumineux ouvrage à la couverture un peu flippante, à dess(e)in, sur un secret de famille bien gardé. Sur une famille quelconque, en somme, puisqu'on le sait désormais, quasiment toutes ont des squelettes dans le placard, parfois sans qu'on le soupçonne un instant. C'est le cas de l'autrice, qui s'autofictionne joyeusement, et étale sous nos yeux incrédules des tas d'épisodes intimes de sa vie de famille. Incrédules, mes yeux, parce que je ne suis pas du tout certaine que ça me viendrait à l'idée de me servir directement de l'histoire de mes proches pour monter un récit, même d'utilité publique. Edith Chambon se lance, pour le plus grand bien des membres de sa famille, d'abord, de sa personne à elle, ensuite, et finalement de la collectivité. On peut considérer donc qu'elle a bien fait, même si l'effroi de voir le linge sale des autres étalé sur la place publique continue à m'étreindre, plusieurs jours après cette lecture. Car la mère de l'autrice avait un secret, un gros secret de petite fille, bien lourd à garder, partagé seulement par son mari. Un secret qui fond sur une de ses filles, à l'âge où sa mère l'a mise au monde. Parce que les secrets, c'est comme ça, ça choisit son heure. Et ça a toujours une heure... De quoi nous rendre un peu paranos. Mais s'il n'y avait que ça, ce gros secret bien répugnant qui éclot soudain comme un furoncle. Non non non, il va s'accompagner d'autres petits silences collatéraux bien pénibles aussi, même si moins visqueux. Je n'en dis rien parce que c'est tout l'intérêt de cette histoire vraie que d'illustrer plutôt finement comment l'omerta est une sorte de poupée gigogne monstrueuse qui peut finalement bouffer une famille entière. En commençant par les chairs les plus sensibles, bien entendu. Il en faut, du courage, pour affronter tout ça. Le monde n'est guère tendre avec ses enfants les plus fragiles. Envers les enfants en général. Envers les petites filles en particulier. Une BD post #Metoo, donc, avec les qualités de ses défauts... notamment le fait de participer à la profusion de ces récits d'épouvante d'enfants abusés, dont on ne finit plus de compter les répercussions dramatiques. La violence est partout, et on ne peut pas dire que se plonger dans ce volume nous soulage un moment du poids de l'indignité ambiante. Mais bon, je salue le courage de l'autrice, qui a trouvé les moyens graphiques de nous faire saisir le cœur de son problème, dans un style un peu (trop?) naïf parfois, mais bon, moi, j'aime la virtuosité graphique et le foisonnement, on ne se refait pas et on ne peut pas attendre de tous les auteurs les mêmes marottes.

Créée

le 20 déc. 2023

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