Lose
7.3
Lose

Roman graphique de Michael Deforge (2014)

Par Vincent Jung

Lose est un recueil de seize histoires courtes de Michael DeForge, jeune auteur encore inconnu en France mais très actif au Canada, son pays d’origine. Disons-le franchement, le préambule de l’auteur n’est pas engageant, et laisse présager le pire : DeForge y présente sa tentative de suicide comme la clé d’interprétation de tous les récits qui vont suivre. On redoute alors un grand déballage de l’intime, une introspection morbide et impudique à la manière des pires romans graphiques où le narrateur-auteur s’autorise une plainte lancinante sur des centaines de pages, se saisissant de l’atroce préjugé démocratique qui veut que rien de ce qui appartient à la subjectivité ne soit dénué de valeur. Par bonheur, il n’en est rien dans la suite de la lecture : nulle part DeForge ne reprend la parole en son nom propre, et surtout, à chaque fois, les récits sont portés par la puissance de leurs thématiques et par une démarche remarquable de cohérence et de maturité.

Le constat de départ est le même que celui d’auteurs postmodernes de la littérature américaine – on pense en particulier à David Foster Wallace et à Don DeLillo. Au fond, pour peu qu’on ait un peu réfléchi au développement culturel des sociétés occidentales, on ne peut plus croire que la norme crée le droit, et que le droit impose un ordre juste aux individus. Partout se lit la violence, la dissémination de l’identité, l’angoisse de ne pas réussir à se hisser au niveau imposé par les règles et de voir les autres nous y rappeler cruellement. Les codes ne sont plus que des violences symbolisées jusqu’à l’absurde, jusqu’à l’annulation complète du sens, puisque seule compte leur force d’imposition. C’est bien ce que montre DeForge dans la généalogie fantasmée d’une famille royale fictive : les signes de la puissance, en l’occurrence les vêtements, étouffent les individus qui les habitent au point de les réduire à n’être plus que des spectres, des apparitions longilignes et fantomatiques. En société le corps est broyé, souillé, laminé, et même les belles échappées aériennes du récit « Chien 2070 » ne signifient pas une véritable libération du héros. (...)

Lire la suite sur : http://www.chronicart.com/bandes-dessinees/lose-michael-deforge/
Chro
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le 14 avr. 2014

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