Dans les années 1990, pendant que les enfants découvraient le manga avec Dragon Ball, que les ados se passionnaient pour Akira, les adultes eurent aussi droit à leur choc issu de la bande dessinée japonaise, et ce fut à travers Jirô Taniguchi. Si plusieurs éditeurs en proposèrent les œuvres, ce furent d’abord L’Homme qui marche en 1995 puis Quartier Lointain, en 1998, qui lui valurent un engouement qui ne se dément pas encore aujourd’hui et dont Le Gourmet solitaire, publié en 2005 en France, fut un jalon important.


Adaptation de nouvelles de Masayuki Kusumi entamée en 1994, pour une parution en volume en 1997, Le Gourmet solitaire s’est imposé comme une référence pour ce qui est de la peinture d’un art de vivre propre à l’Archipel. Identifié chez nous à une approche délicate de la culture et de la société japonaises, ce manga témoigne d’un rapport au monde que Jirô Taniguchi, avec ces Rêveries d’un gourmet solitaire de 2015, entend remettre à l’ouvrage vingt ans après en avoir offert une première mouture.


Et la première chose qui frappe tient peut-être précisément à une absence de transformation visible de l’environnement dépeint. Notre gourmet évolue toujours dans ce monde des petites gens qui semble figé dans le temps, menacé de disparition. En marge d’un autre monde qui lui bouge, mais sans eux, et les ayant comme oubliés. C’est l’univers des traditions, ou des coutumes, qui perdure et entretient cultures et savoir-faire, face à une modernité dont le mouvement constant est laissé en périphérie du manga le temps de la parenthèse enchantée de la dégustation.


Le volume se compose d’une douzaine de chapitres qui constituent autant d’expériences culinaires atypiques. Petits moments de grâce et de rencontre avec un milieu, un cadre, des personnages. Mais là où d’autres titres nous transcrivent ces instants épiphaniques à coup de paysages métaphoriques, comme Les Gouttes de Dieu, ou d’orgasmes culinaires, comme Food Wars, Taniguchi offre lui les réflexions de son héros, dans un processus plutôt cérébral d’analyse des émotions et d’expression des ressentis.


Parmi les différentes situations dépeintes, on notera ce repas qui tourne court, du fait d’un patron forçant ses subordonnés à boire avec lui, ou ce passage en France qui débouche sur la découverte de plats algériens. Avec cette écoute attentive des désirs et sensations, cette conscience aiguë des attentes et satisfactions qui caractérisent la démarche du gourmet solitaire.


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le 19 avr. 2016

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